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Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif

                    Louis de SAUSSURE et Patrick MORENCY
                                                Université de Neuchâtel (Suisse)


1. Introduction

Les expressions temporelles, c’est bien connu, peuvent donner lieu à des
lectures qui ne réfèrent pas à la temporalité externe au discours, voire qui ne
réfèrent à aucune temporalité particulière autre que celle induite de facto par
l’énonciation elle-même. La littérature identifie une grande variété d’usages
de ce genre, qui illustrent cette propriété de la plupart des expressions en
principe dévolues au temps de pouvoir remplir d’autres fonctions que la
référence temporelle stricto sensu.
      Ainsi en va-t-il d’abord d’un certain nombre d’usages – que la tradition
de la théorie de la pertinence traite sous le terme d’usages interprétatifs 1 –
comme les temps verbaux produisant un effet d’acte de langage indirect
(typiquement les imparfaits d’atténuation et forains2) ou de contrefactualité
(imparfaits de « conséquence non réalisée ») ou encore de modalité (par
exemple la modalité épistémique exprimée par le futur putatif), etc. A cette
classe d’effets non temporels – ou non strictement temporels – déclenchés
par des morphèmes habituellement considérés par ailleurs comme temporels,
appartiennent également des usages particuliers d’expressions adverbiales.
      C’est à ces cas de figure d’enrichissement pragmatique, ou, pour être
prudents, de lecture non temporelle, que nous allons nous intéresser
prioritairement ici : il s’agit des usages argumentatifs et discursifs des
expressions adverbiales temporelles, qui est un phénomène relativement bien
identifié et qui a fait l’objet d’une littérature assez abondante pour le
français 3. Ces usages ont une fonction d’organisation du discours ou de

1
     Cf. Sperber & Wilson (1989) pour la notion d’usage interprétatif et Saussure
     (2003) pour son application concrète à l’analyse d’effets liés à des expressions
     temporelles spécifiques ; voir également Sthioul (1998), Saussure & Sthioul
     (2005), Morency & Saussure (2007), Saussure (à paraître).
2
     Pour un argumentaire qui fait reposer ces effets sur le temps verbal en fonction
     de conditions contextuelles particulières, cf. Saussure & Sthioul (2005).
3
     Cf. par exemple Schelling (1982 et 1983), Gerecht (1987), Mosegaard Hansen
     (1995), Molendijk & De Swart (1996), Reyle (1998), Bacha (2005), Bras, Le
     Draoulec & Vieu (2001), ainsi que Rabatel (2001) qui parle quant à lui de
     valeur délibérative. Ces notions sont à distinguer toutefois de ce que la
     littérature habituelle entend sous le terme de marqueur discursif ou connecteur
     discursif, classe d’expressions ne portant que sur les connexions discursives,

        © Cahiers Chronos – sous presse – presenté à Chronos 7 (Anvers), sept 2006
2                       Louis de Saussure & Patrick Morency

l’argumentation et s’opposent ainsi, au moins en partie, à leur usage
proprement temporel, ou encore semblent combiner temporalité et autre
chose.
      Les cas de figure présentés dans les séries (1b) et (2b-c) ci-dessous
illustrent ces effets face aux cas temporels présentés en (1a) et (2a) :
(1a) En outre, pour trouver des capitaux, il s’est avisé de décider la plupart de ses
     employés à placer leur argent chez lui. Aussi est-il sans un sou maintenant, et si
     un miracle ne se produit pas, s’il n’arrive pas à tripler sa vente, comme il
     l’espère, vous verrez quelle débâcle ! (Zola, Au bonheur des dames).
(1b) On sait qu’ils se voient souvent. Maintenant, on ne sait pas s’ils sont amants.
     (d’après Nef, 1978).
(2a) Elle lui rendit ses baisers, sans trouver une parole. Les deux femmes prirent
     ensuite Pépé, qui tendait ses petits bras. Et la réconciliation fut complète. (Zola,
     Au bonheur des dames).
(2b) De cette loi, il tirait toutes sortes d’applications. D’abord, on devait s’écraser
     pour entrer, il fallait que, de la rue, on crût à une émeute; et il obtenait cet
     écrasement, en mettant sous la porte les soldes, des casiers et des corbeilles
     débordant d’articles à vil prix ; si bien que le menu peuple s’amassait, barrait le
     seuil, faisait penser que les magasins craquaient de monde, lorsque souvent ils
     n’étaient qu’à demi pleins. Ensuite, le long des galeries, il avait l’art de
     dissimuler les rayons qui chômaient, par exemple les châles en été et les
     indiennes en hiver; il les entourait de rayons vivants, les noyait dans du
     vacarme. (Zola, Au bonheur des dames).
(2c) Je ne sortirai pas. D’abord je suis fatigué, ensuite aller au restaurant est la
     dernière chose qui me ferait plaisir. Enfin, il y a un match à la télé ce soir.

Dans les exemples (1a) et (2a), les expressions adverbiales temporelles sont
interprétées comme dénotant la temporalité référentielle des procès qu’elles
prennent sous leur portée (1a) ou leur ordonnancement temporel (2a). En (1b)
et (2b-c), au contraire, cette fonction temporelle semble s’occulter pour faire
place à une fonction discursive, celle de qualifier d’une manière
argumentative l’énonciation dans laquelle elle s’insère (1b) ou de marquer la
succession d’arguments ou de propositions (2b) ou, plus généralement, des
énonciations elles-mêmes (2c), en vue de produire divers effets discursifs
comme la motivation d’une série de conséquences de raisonnements liées à
une forme de prémisse (2b) ou au contraire la motivation d’une série de
causes possible pour une inférence présentée anaphoriquement (2c).
      A ces exemples, il conviendrait d’ajouter quelques cas supplémentaires.
Ainsi, (2d) et (2e) produisent des listes en dehors de tout aspect justificatif



      c’est-à-dire ne concernant que l’organisation du discours stricto sensu, cf. Nølke
      (1990), Schiffrin (1987), Rossari (2000) par exemple.
Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif                  3

(une énumération d’exemples pour 2d et une énumération descriptive pour
2e) :
(2d) Il y a plein de cas où tu dois faire une sauvegarde supplémentaire. D’abord, si tu
     ouvres un fichier reçu par e-mail. Ensuite, si tu dois transférer le fichier à un
     collègue qui utilise une autre plate-forme. Et puis surtout, chaque fois que tu
     fais une modification sur le fichier original.
(2e) C’est très joli. D’abord il y a une belle cour d’honneur. Ensuite il y a les tours
     crénelées qui se dressent, massives et imposantes, au-dessus des douves. Et puis
     il y a les jardins, superbes, qui sont visités par des centaines de touristes chaque
     été.

Ceci nous permet d’introduire une précision terminologique : lorsque les
expressions adverbiales établissent une liste de propositions correspondant à
des arguments permettant de justifier une conclusion, comme en (2c), il nous
semble légitime de parler d’usages argumentatifs. En revanche, lorsque la
liste produite n’a pas de caractère de justification et ne constitue qu’une
énumération sous forme de liste, qu’il s’agisse d’une liste de conséquences
tirées d’une prémisse, comme en (2b), d’une énumération d’exemples ou de
descriptions, comme en (2d) et (2e), on ne voit pas très bien ce qui motiverait
l’irruption d’une notion d’argumentation (à moins d’adopter un postulat très
général sur le caractère intrinsèquement argumentatif de l’usage du langage,
comme chez Anscombre & Ducrot 1983, mais la notion d’argumentation
change alors de sens). Nous appellerons ces cas des usages proprement
discursifs des expressions temporelles concernées.
      Cette précision donnée, il reste à souligner que pour des raisons de
principe, nous adoptons une hypothèse univoque à l’égard de ces expressions,
c’est-à-dire qu’elles ont pour nous une valeur fondamentale unique,
primitive, les autres valeurs constatées en discours devant alors s’expliquer
par une forme quelconque de dérivation ou, pour nous, d’enrichissement
pragmatique. Autrement dit les différents usages de ces expressions observés
dans les exemples ci-dessus appellent une description unifiée, qui exclut
l’idée qu’il y ait plusieurs entrées lexicales distinctes pour ensuite par
exemple, l’une qui concernerait la temporalité référentielle et l’autre qui
concernerait l’organisation discursive en propre.
      L’une des questions essentielles soulevées par ces usages dans ce cadre,
outre la variété de leurs effets possibles, est celle de leur sémantique
fondamentale. A priori, l’hypothèse la plus intuitive est qu’il s’agit là
d’expressions primitivement temporelles, qui s’enrichissent ou s’accom-
modent en discours, en fonction des contraintes contextuelles, vers une
temporalité discursive au lieu de porter sur la temporalité référentielle.
      Si tel devait être le cas, en particulier pour des connecteurs temporels
comme ensuite, la description ne poserait alors guère que des problèmes
techniques, les questions à résoudre portant alors sur le fait de savoir s’il
4                     Louis de Saussure & Patrick Morency

s’agit d’enrichissements qui font basculer l’expression d’une signification
littérale (la succession temporelle) vers un sens non littéral (la succession
dans un raisonnement), ou d’enrichissements métareprésentationnels (auquel
cas ensuite connecte des représentations de faits dans un cas, mais des
représentations de représentations dans l’autre), parmi d’autres possibilités
éventuelles.
       En réalité, il apparaît après un examen plus attentif que l’explication que
l’on serait tenté de donner « par dérivation » ou « par enrichissement » pèche
par excès de simplification. Cet excès de simplification concerne en
particulier l’hypothèse, évoquée plus haut, qui accorde systématiquement à
toutes ces expressions une valeur fondamentale temporelle. Si elle est tenable
pour certaines d’entre elles, elle est beaucoup plus difficile à maintenir pour
d’autres, comme ensuite, ainsi que nous allons tenter de le montrer,
contrairement à la position habituelle (notamment Kozlowska 1998, qui
discute d’ailleurs très finement les effets intervallaires d’ensuite mais n’entre
pas en discussion sur la question même de l’appartenance de ce connecteur à
la classe temporelle). Enfin, nous suggérerons de séparer ces expressions
« temporelles » en deux classes, l’une regroupant des expressions
effectivement temporelles, et qui peuvent connaître un enrichissement
pragmatique discursif ou argumentatif, et l’autre, regroupant des expressions
sérielles, qui peut réaliser au moins deux effets, l’un concernant la
consécution discursive ou argumentative et l’autre concernant la consécution
temporelle. L’objectif de cet article est de préciser et de documenter cette
conception, en traitant plus particulièrement des adverbes sériels.

2. Observations générales

Il convient d’abord d’observer la différence entre les deux grands types
illustrés respectivement en (1b) d’une part et (2b) et (2c) d’autre part. Dans le
premier cas, nous avons affaire à un situeur temporel interprété comme
portant sur l’énonciation, assorti d’une variété d’effets argumentatifs
(typiquement le contraste), cf. Saussure (à paraître). Dans le deuxième cas,
qui nous occupera prioritairement ici, les expressions adverbiales marquent
l’ordre des propositions, tout comme dans la lecture temporelle, elles
marquent l’ordre des procès. Il s’agit donc, dans notre approche, de
connecteurs temporels (cf. Saussure 2003, ainsi que Bras & Le Draoulec
(2006) avec qui nous convergeons ici).
      Il est intéressant de noter que la classe des situeurs temporels ne permet
pas toujours la lecture argumentative. Certes, on pourrait penser que comme
le « temps du discours » ne fait intervenir que des situations ponctuelles (le
moment de l’énonciation), les situeurs ponctuels autoriseraient la lecture
argumentative (au contraire par exemple des situeurs intervallaires). Or tel
Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif                   5

n’est pas le cas. Si par exemple (1b) est intuitivement naturel en lecture non
temporelle, ce n’est pas le cas des exemples (3) et (4) :
(3)   On sait qu’ils se voient souvent. ? En cet instant, on ne sait pas s’ils sont
      amants.
(4)   On sait qu’ils se voient souvent. ? Au moment où je parle, on ne sait pas s’ils
      sont amants.

Le même type d’observation peut être mené au sujet des expressions
signalant l’ordre temporel : toutes les expressions temporelles permettant de
signaler un ordre n’autorisent pas le transfert de dénotation du temps
référentiel au temps discursif ou argumentatif :
(5)   Je ne sortirai pas. D’abord, je suis fatigué, ? puis aller au restaurant est la
      dernière chose qui me ferait plaisir.
(6)   Je ne sortirai pas. ? Avant, je suis fatigué, ? plus tard aller au restaurant est la
                                          4
      dernière chose qui me ferait plaisir .

De ces éléments, nous tirons notre rejet d’une position généralisante qui
voudrait que le lien entre temporalité référentielle et temporalité discursive ne
serait que l’application d’un mécanisme global de transfert d’un système
référentiel à l’autre.
      En revanche, l’hypothèse sous-jacente qui veut que les expressions
temporelles peuvent « naturellement » renvoyer à plusieurs temporalités
(temps référentiel ou temps du discours selon les cas) mérite bien entendu
une certaine attention. Ce double jeu des expressions temporelles est
évidemment une réalité, outre les simples faits que nous cherchons à traiter.
Mais cette réalité peut être envisagée de différentes manières.
      De nombreux auteurs évoquent le lien entre ces expressions et la
structuration même du discours ; de ce lien seraient alors issues les variétés
d’interprétations que l’on observe. Cette relation était déjà évoquée par
Weinrich (1964) quand il attribuait (hâtivement, cf. Saussure 2003) aux
temps verbaux la fonction première de signaler le type de texte. C’est
également cette relation entre dénotation référentielle et structuration du
discours qu’évoque par exemple Adam (1990 : 161) quand il parle des
« organisateurs temporels » fonctionnant comme des marqueurs ayant pour
fonction de « baliser la progression textuelle en découpant des paquets de
propositions selon un ordre chronologique », mais surtout quand il traite la
série d’abord – puis – ensuite – enfin à laquelle il ajoute quelques autres
expressions comme (et) encore, dont il dit qu’elle « emprunte ses unités à un
système temporel » (Adam 1990 :160), un point que nous allons discuter plus

4
      Dans ces deux exemples, et après serait en revanche possible pour introduire le
      deuxième terme.
6                      Louis de Saussure & Patrick Morency

bas. Pour Adam, l’une des fonctions de ces expressions « temporelles » en
tant que marques linguistiques est d’induire « un ordre de lecture » voire « la
trace de l’opération de mise en texte ». On trouve également un point de vue
approchant chez Cadiot & al. (1985) qui considèrent par exemple que enfin a
pour fonction de « mettre fin à un discours précédent », accordant ainsi le
primat fonctionnel de ces expressions à la structuration discursive.
A leur manière, les sémantiques formelles dynamiques comme la SDRT
(Lascarides & Asher 1993, Asher & Lascarides 2003, cf. également Scherrer
2006) établissent aussi un parallèle entre les structures temporelle et
discursive, par le biais de relations rhétoriques en partie déterminées par la
sémantique des expressions temporelles. Par exemple, les travaux toulousains
(Bras, Le Draoulec & Vieu 2001 et 2003, Le Draoulec & Bras 2007) sur
alors et sur puis, suggèrent que ces expressions déterminent des relations de
structuration discursive ; de même, au sujet de la conjonction de
coordination, Gomez Txurruka (2003) discute d’anciennes hypothèses sur
l’ordre temporel avec et (notamment l’hypothèse Bar-Lev & Palacas 1980)
sous l’angle de telles relations (cf. Saussure & Sthioul 2002 pour une
discussion détaillée de ces points) 5.
      Dans un premier cas général – celui de l’analyse textuelle héritée de
Weinrich – le primat sémantique des expressions temporelles est de porter
d’une manière ou d’une autre sur le discours, leur effet de référence
temporelle étant d’ordre secondaire. Dans le deuxième cas, celui des
sémantiques dynamiques, l’effet de référence temporelle est bien premier
sémantiquement, mais la fonction ultime reste leur participation, avec un
ensemble d’autres paramètres (notamment contextuels) à la fabrication des
relations rhétoriques, elles-mêmes obéissant à des lois logiques générales
régissant l’organisation du discours.
      Pour contribuer à ce débat, on peut observer qu’une pragmatique
radicale à la Sperber & Wilson ne cherche pas, dans sa version canonique, à
traiter le niveau du discours et de sa structuration, le considérant illusoire ou
laissant cet objectif à d’autres cadres pragmatiques (Saussure 2007) ;
toutefois la question principale qui se pose dans un tel cadre, pour en revenir
à la distinction entre les usages temporels et discursifs des adverbiaux, reste
bien celle de la valeur sémantique fondamentale de ces expressions
(temporelles, discursives, ou d’une autre nature) et du type d’enrichissements
qu’elles génèrent en contexte. On remarque que Luscher & Moeschler en
1990 déjà, dans leur traitement de enfin, se sont engagés dans une tentative

5
     Relevons tout de même que pour Gomez Txurruka (2003), et autorise
     uniquement la relation rhétorique de narration (relation « par défaut » de
     consécution temporelle dans la SDRT) et une forme particulière de la relation
     d’élaboration (qui équivaut à la relation d’encapsulation dans Saussure 1997), à
     savoir la « liste atemporelle » (time-free list).
Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif                  7

de résolution de ce problème au sujet de enfin, sans toutefois parvenir à
préciser clairement la nature des enrichissements qui leur permettent de
dresser l’arborescence taxonomique des effets produits. A propos des usages
discursifs de enfin, ils remarquent simplement que cette expression peut
marquer « la fin d’un discours » ou « le dernier élément d’un discours »
(Luscher & Moeschler 1990 : 94).
     Dans un cadre à la Sperber & Wilson, il aurait pu sembler tentant
d’adopter le point de vue généralisant auquel nous faisions allusion plus haut,
pour lequel l’expression, qu’elle soit d’ailleurs temporelle ou non en termes
de valeur sémantique fondamentale, peut donner lieu à une spécification
temporelle ou discursive selon les contextes, toutefois non pas en vertu d’un
encodage particulier des parcours interprétatifs auxquels l’expression peut
donner lieu mais en vertu d’une aptitude naturelle de l’esprit à enrichir les
contenus pour satisfaire la recherche de pertinence ; ce serait ce mécanisme
général qui permettrait alors de passer de la valeur temporelle de base, par
exemple, à la valeur discursive, enrichie.
     Dans un tel cas, nous aurions un effet d’enrichissement libre, au sens de
Carston (2002), qui irait de la temporalité référentielle vers la temporalité
discursive / argumentative. C’est d’ailleurs ainsi que Carston, dans ses
travaux sur la conjonction, menés avec Blakemore (Blakemore & Carston
1999), traite de l’enrichissement de et en marqueur de temporalité discursive
(métalinguistique) dans des exemples comme (7) :
(7)   Paul s’est mis au lit et il a enlevé ses chaussures.

qui se comprend :
(8)   (Non seulement) Paul s’est mis au lit, mais il a (donc) enlevé ses chaussures.

      Pour les expressions que nous observons ici, du moins pour une partie
significative d’entre elles, leur valeur discursive ou argumentative ne peut
pas être considérée comme un effet déterminé sur la simple base de leur
temporalité, puisque la possibilité d’une telle valeur varie d’une expression à
l’autre en fonction de facteurs qui semblent échapper à une analyse qui serait
purement conceptuelle (qu’on observe à cet égard la ressemblance entre
ensuite et puis ou entre maintenant et en cet instant en termes de référence
temporelle face à leur non-commutabilité en usage discursif / argumentatif) ;
il y a donc pour ces expressions des contraintes sémantiques sur l’effet
pragmatique. En d’autres termes, nous suggérons que l’enrichissement
pragmatique auquel elles donnent lieu n’est pas « libre » (dans le sens où il
ne repose pas sur des principes généraux, qui permettraient par exemple de
supposer un « parallélisme » entre une temporalité du récit et une
structuration discursive indépendamment des expressions linguistiques
utilisées) mais contraint sémantiquement (l’expression encode une procédure
8                       Louis de Saussure & Patrick Morency

d’enrichissement déterminée qui conduit le destinataire à sélectionner,
contextuellement, la lecture intentionnée de l’expression).
      Nous ne pourrons pas dans ces pages, bien entendu, donner une réponse
globale à cette question qui nécessiterait en fait une étude détaillée au cas par
cas. Nous allons maintenant nous attacher plus précisément à défendre l’idée,
pour le français, que sous l’apparence de l’homogénéité, les adverbiaux
d’ordre se divisent en réalité en deux classes, comme nous l’annoncions plus
haut, et que nous pouvons appeler les adverbiaux temporels et les adverbiaux
sériels.

3. Adverbiaux temporels et adverbes sériels

Nous avons observé plus haut que l’usage discursif / argumentatif
d’expressions d’apparence temporelle est bloqué en cas de commutation par
d’autres expressions qui semblent référentiellement similaires. Nous avons
ainsi observé que si les exemples en (2a à e) sont naturels, changer
l’expression adverbiale par une autre expression bloque l’usage discursif /
argumentatif, comme en (5) et (6), que nous reproduisons ici :
(5)   Je ne sortirai pas. D’abord, je suis fatigué, ? puis aller au restaurant est la
      dernière chose qui me ferait plaisir.
(6)   Je ne sortirai pas. ? Avant, je suis fatigué, plus tard aller au restaurant est la
      dernière chose qui me ferait plaisir.

Notre hypothèse est que de nombreuses expressions qui permettent de
produire un séquencement temporel n’ont que l’apparence d’une sémantique
temporelle et cachent en réalité une sémantique proprement ordinale. Ce sont
les adverbiaux que nous dirons ici sériels, à la suite également des
observations de Turco & Coltier (1988) et Nøjgaard (1992) 6.
      La littérature classe souvent les expressions d’ordre à l’intérieur d’une
classe générale dite des « marqueurs d’intégration linéaire » 7, et ensuite y est
généralement décrit comme appartenant à une sous-catégorie « temporelle »,
avec d’abord et enfin. Turco & Coltier, en particulier, identifient la série
d’abord – ensuite – enfin à la notion de sérialisation, mais y voient une
origine morphosémantique temporelle 8. Pour Adam (1990) que nous citions
plus haut, la composante temporelle semble constituer la valeur sémantique
de base de ces expressions. Pour nous, cette origine, si tant est qu’elle existe,
doit être envisagée comme diachronique (un point que nous ne traitons pas
ici) ; cette précision a son importance, car le terme d’ « origine

6
      Que nous rappelle Laurent Gosselin (communication personnelle).
7
      Dénomination qui semble provenir d’Auchlin (1981) ; Adam (1990) utilise
      précisément cette notion dans son traitement des expressions temporelles.
8
      Voir aussi Stein-Zintz (2006).
Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif            9

morphosémantique » peut être ambigu et faire croire que la valeur discursive
de ces expressions est dérivée d’un emploi sémantiquement premier qui serait
temporel ; notre objectif dans ces lignes est précisément de suggérer qu’il n’y
a, en synchronie, soit aucune base sémantique liée à la temporalité dans ces
expressions, soit que cette base sémantique est fonctionnellement inactive, et
qu’elles sont donc sémantiquement sérielles et non temporelles.
      C’est pourquoi le terme de temporelles pour ces expressions nous
semble propre à générer de la confusion. L’idée que ces expressions ont une
sémantique temporelle ne repose que sur le fait que ce qui vient en premier
est temporellement antérieur, soit en procès soit en discours, à ce qui vient en
deuxième. Toutefois, rien ne permet par exemple de penser que
premièrement ou deuxièmement soient des adverbes temporels, en dépit du
fait que rien n’est plus naturel que de présenter les choses premières avant les
choses secondes.
      A propos de ensuite, Nous relevions dans Saussure (2003) que certains
effets, comme l’insertion d’un intervalle « vide » entre le procès antérieur et
le procès postérieur (comme l’a suggéré Kozlowska 1997), ne sont
aucunement explicables par la notion de « suite », même temporelle, puisque
l’idée de suite s’accommode aussi bien de l’adjacence que de la non-
adjacence ; la conclusion qui s’imposait alors était la suivante : puisque tous
les effets de sens de ensuite ne sont pas explicables sur la base de la notion de
suite, l’expression encode une procédure d’enrichissement pragmatique et
non un concept de « suite » pur. Nous pouvons ici préciser les choses : la
base sémantique d’ensuite est une base d’ordonnancement sériel, et par
ailleurs, la procédure encodée par ensuite impose certains effets particuliers
dans certaines situations, typiquement l’insertion d’un intervalle vide lorsque
ensuite s’inscrit dans une séquence narrative, ou d’autres éléments, peut-être
une déconnexion thématique dans les cas discursifs ou argumentatifs, dans
certains contextes, mais nous laissons cela ici à titre d’hypothèse pour une
étude ultérieure sur ensuite.
      Turco & Coltier (1988) font la différence entre la série d’abord - ensuite
- enfin et la série premièrement, deuxièmement, troisièmement. A notre sens,
la deuxième série présente des adverbes de manière qui portent
spécifiquement sur l’organisation discursive, c’est-à-dire la manière « de
présenter les choses ». De la sorte, ces adverbes s’apparentent à des adverbes
d’énonciation, comme franchement, à ceci près qu’ils qualifient ordinalement
la proposition dans laquelle ils s’insèrent et non l’attitude du locuteur face à
la proposition énoncée. A cette série appartiendrait donc plutôt finalement,
dont on voit bien ici la différence avec enfin. Nous admettons, comme Turco
& Coltier, les deux principales classes d’adverbes sériels suivantes :
10                       Louis de Saussure & Patrick Morency

Adverbes sériels d’ordre

1) adverbes d’ordre simples : d’abord / tout d’abord – ensuite – enfin
2) adverbes ordinaux de manière : premièrement – deuxièmement - … - finalement

Ceci dit, la différence proposée par Turco & Coltier, que nous modifions
quelque peu ici par l’introduction de finalement dans la seconde liste, n’est
pas fondamentale, car on observe qu’il est très naturel de mélanger à loisir
ces deux séries, (avec sans doute un espace de liberté plus grand dans l’oral)
et c’est plutôt ceci qui nous importe :
(12) Que demande Isaac pour son fils Jacob ? Premièrement les rosées du ciel ; les
     bénédictions spirituelles et ensuite les biens de la terre. (Père Bourdaloue,
     Sermons pour les jours de carême, Frantext).
(13) Tout d’abord, en focalisant le travail sur le Parlement européen. Deuxièmement,
     à l’intérieur de chaque pays, en ne disant pas, « c’est la faute à Bruxelles », alors
     que ce n’est pas la Commission qui prend les décisions en général, mais c’est le
     Conseil des ministres (Jacques Delors, interview sur Europe-1 9).

L’anglais, par comparaison, ne semble pas identifier deux séries distinctes,
car il ne présente pas d’équivalent univoque pour d’abord. Ainsi, to begin
with ne semble pas du tout significativement préféré face à first dans une
série énumérative qui contiendrait then, équivalent approximatif pour
ensuite ; to begin with semble d’ailleurs préféré quand il s’agit d’introduire
une proposition à valeur d’argument. De manière plus cruciale, on remarque
toutefois que la séparation est claire en anglais entre les adverbiaux sériels et
les adverbiaux proprement temporels : si (14) est naturel pour une
énumération non temporelle, (15) est étrange :
(14) First, there is the President, then the Vice-President, then the Secretary of
     State…
(15) First, there is the President, ? afterwards the Vice-President…

Des expressions sérielles comme celles-ci sont le correspondant linguistique
d’une catégorie plus fondamentale d’ordre, qui recouvre un ensemble de faits
qui va de l’énumération pure à la hiérarchisation selon un ordre particulier.
Pour nous, ces expressions permettent indifféremment de réaliser l’une ou
l’autre des ces possibilités selon le contexte et la nécessité de saturer la
pertinence de l’énoncé. Nous poserons donc l’hypothèse que le contenu
sémantique premier de ces expressions concerne l’énumération pure, car c’est
le contenu le moins déterminé sémantiquement. Les autres enrichissements

9
      Date inconnue (http://www.notre-europe.eu/fr/dans-lactualite/publication/interview-de-
      jacques-delors-sur-europe-1/)
Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif                  11

auxquels elles peuvent donner lieu nous semblent faire intervenir un type
d’ordre spécifique, qui relève d’une forme de hiérarchisation. Revenons donc
maintenant sur les types d’usages que nous relevons pour ces expressions.
Elles peuvent donc d’abord servir à une simple énumération sans ordre
pertinent particulier (sémantique fondamentale), typiquement pour établir une
liste de spécifications variées pour un topique commun (exemple 2d).
Elles peuvent ensuite permettre de hiérarchiser l’information en termes
d’importance (ainsi le premièrement de (12) permet de montrer l’importance
première des « rosées du ciel » face aux « biens de la terre » ; que cet ordre
reflète par ailleurs éventuellement une séquence temporelle des prières
adressées à Dieu par Isaac est accidentel : l’énoncé nous semblerait
également pertinent si Isaac demande d’abord à Dieu les biens de la terre puis
seulement les rosées du ciel en insistant sur le caractère plus important de ces
dernières 10).
       Elles permettent dans d’autres cas de hiérarchiser l’information selon un
ordre d’accessibilité (par exemple spatiale, dans un effet de description,
exemple 2e). Adam (1990 : 154) fait la même hypothèse : de telles marques
permettent d’introduire parfois des niveaux hiérarchiques 11.
Généralement, ces trois valeurs sont simplement dites « discursives » dans la
littérature, mais on voit qu’elles ne se réduisent pas l’une à l’autre, certaines
étant plus spécifiques que d’autres.
       Bien entendu, et ceci ne manque pas d’importance dans le propos qui
est le nôtre, elles permettent également de hiérarchiser l’information de
manière temporelle, ce qui fait que ces expressions sont parfaitement
appropriées, face à des expressions proprement temporelles comme avant,
pendant ou après, à communiquer l’ordre spécifiquement temporel.
Toutefois, dans ce cas, nous avons affaire à un enrichissement qui a permis
de passer de l’ordre « en général » à l’ordre temporel. Par ailleurs, cela
n’empêche aucunement les expressions concernées de présenter des
restrictions d’emploi si nous admettons que toutes ou certaines d’entre elles,
à l’instar d’ensuite, encodent une procédure d’enrichissement. Autrement dit,

10
     Bien que cette interprétation serait un peu plus coûteuse car elle brise la
     naturalité du parallélisme entre la série ordonnante premièrement / ensuite et le
     temps référentiel des actions décrites, en l’espèce des demandes formulées par
     Isaac à Dieu. Cela ne tient qu’à une ambiguïté de ce que qualifie la liste : ordre
     d’importance, ordre temporel, ou les deux à la fois comme c’est souvent le cas.
11
     Toutefois, il assure également quelques pages plus loin que ces marques placent
     les éléments segmentés « au même niveau hiérarchique » ; nous hésitons sur
     l’interprétation à donner à cette hésitation de sa part entre distinction et
     similitude des niveaux hiérarchiques. Il s’agit peut-être de deux types distincts
     de hiérarchisation : hiérarchisation (possible) des énonciations dans le premier
     cas, et hiérarchisation (impossible) des objets concernés par les propositions
     dans l’autre cas. Cependant, Adam ne développe pas cette différence.
12                    Louis de Saussure & Patrick Morency

il y a à ce stade deux possibilités à étudier en détail pour chacune des
expressions concernées : la première est que l’expression ne soit pas
procédurale mais autorise une spécification de l’ordre vers l’ordre temporel
par un enrichissement libre, c’est-à-dire déterminé par l’esprit et non par
l’item linguistique en propre, et la deuxième est que l’expression conduise à
cet enrichissement par le biais d’une procédure spécifique qui impose des
restrictions d’emploi, comme ensuite qui peut s’intercaler entre des
éventualités pour autant qu’une représentation non adjacente de
l’ordonnancement temporel soit possible. Pour nous, quoi qu’il en soit, il ne
s’agit là que de l’un des enrichissements possibles, même s’il est
particulièrement courant, des expressions concernées, et cela ne constitue pas
une classe qui serait totalement séparée des autres, surtout si nous observons
également que ce type d’enrichissement peut s’appliquer soit à l’ordre dans
lequel des procès se sont produits, soit à l’ordre dans lequel il est pertinent de
présenter les choses en discours.
      Il y a donc en principe deux sous-types possibles d’enrichissements
temporels des expressions sérielles, l’un qui porte sur les procès (qu’on
pourrait appeler série narrative), et qui signale leur ordonnancement, et
l’autre qui porte sur les éléments discursifs, et qui signale la pertinence de
l’ordre de leur apparition en discours.
      Enfin, elles permettent aussi de hiérarchiser les arguments pour
distribuer correctement leur fonction logique, selon un ordre (qu’il soit
naturel ou conventionnel est ici sans importance) qui va des prémisses vers
une conclusion, qui va d’une conclusion vers sa justification par une liste
d’arguments (exemple 2c), ou qui va d’une proposition vers une série de
conséquences que cette proposition peut faire induire (2b). Seul ces types
d’usages sont proprement des usages argumentatifs.
      Nous suggérons donc que les expressions renvoyant aux concepts
d’abord, de suite et de fin, ainsi que celles qui sont des adverbes ordinaux de
manière, signalent la sérialisation mais ne correspondent vraisemblablement
sémantiquement à rien de temporel.
      Cela permettrait d’expliquer pourquoi i) ces expressions portent tout
naturellement sur le séquencement discursif ou argumentatif et ii) elles
peuvent s’enrichir de manière plus spécifique pour porter, par
enrichissement, sur le temps référentiel. Enfin, nous précisons que
l’enrichissement auquel ces expressions donnent lieu ne va donc pas dans le
sens temps – discours mais plutôt dans le sens inverse, ou, plus précisément,
elles vont d’une sous-spécification à une spécification en contexte, soit vers
le discours, soit vers la temporalité. Ainsi, nous considérons donc qu’un effet
d’ordre temporel associé par exemple à ensuite résulte d’un enrichissement
pragmatique à partir d’une valeur fondamentale ordinale et non temporelle.
Cet enrichissement peut être interprété comme un effet d’implicature, ce qui
serait conforme à l’observation qui montre que la combinaison ensuite mais
Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif                 13

pas après est possible, mais non après mais pas ensuite (mais permettant de
« défaire » une éventuelle implicature temporelle déclenchée par ensuite,
tandis qu’il serait redondant d’avoir une forme qui signale la consécution
temporelle, comme après tout en niant l’existence d’un ordre en tant que tel.

4. Conclusion

Nous avons défendu dans cet article l’hypothèse qu’il existe deux grandes
classes de connecteurs qui peuvent organiser l’ordre temporel des
événements et l’ordre argumentatif des énonciations : ceux qui sont
proprement temporels et s’enrichissent en usage discursif, et ceux qui sont
sériels et portent sur une série contextuellement pertinente (série d’arguments
ou série d’événements) et peuvent s’enrichir pragmatiquement en recevant
une lecture temporelle. Toutefois, il ne s’agit pour l’instant que d’une
première série d’observations ; elles doivent encore être considérablement
étayées par la prise en considération d’une variété d’usages sur lesquels nous
ne nous sommes pas encore penchés ici.
      Il y a notamment des expressions proprement temporelles dont l’usage
autorise un enrichissement discursif assorti d’une variété d’effets, comme
lorsque après sert à introduire quelque chose comme un changement de
topique, une focalisation, et / ou une concession :
(16)     Elle est tout le temps à se plaindre. Après c’est vrai qu’elle a beaucoup de
         travail la pauvre.

Cet ensemble d’effets semble très différent lorsque la conjonction vient s’y
adjoindre (peut-être à cause de la grammaticalisation de et après ? comme
marquant une question rhétorique conventionnelle) :
(17)     Elle est tout le temps à se plaindre. ?Et après c’est vrai qu’elle a beaucoup
         de travail.

Enfin, il existe tout un ensemble d’expressions dont le statut sémantique,
temporel ou sériel, prête à confusion et à débat. Parmi ces expressions, on
comptera celles qui ont une origine temporelle mais dont on peut suspecter
qu’elles se sont grammaticalisées en sérielles, comme alors ou dès lors, voire
cependant. Le plus frappant de ces connecteurs est sans doute puis et sa
variante et puis : nous observions d’emblée, en contrastant (5) et (2c), la non-
commutabilité de puis avec ensuite en interprétation discursive /
argumentative.
     La littérature sur puis hésite sur le statut fondamental, temporel ou non,
à accorder à cette expression. Bras, Le Draoulec & Vieu (2003) contestent la
valeur première temporelle de puis défendue par Mélis (1983) et Mosegaard
Hansen (1995 et 1998), également suggérée dans les ouvrages de référence
14                       Louis de Saussure & Patrick Morency

comme le Robert ou le Grevisse. Toutefois Mosegaard Hansen (1998 : 292)
pose une nuance en considérant qu’en français contemporain puis a « plus ou
moins perdu » sa signification première temporelle. Reyle (1998,73-74),
observant que puis bloque la connexion causale, considère que puis
n’autorise pas d’établir un lien entre une situation et le changement qu’elle
produit, et conclut que puis n’a pas valeur temporelle. D’autres arguments
pourraient nous conforter dans cette vue, notamment en relation avec la
focalisation, en particulier en clivée, dont Mosegaard Hansen signale
l’impossibilité pour la proposition introduite par puis. Mais d’autres éléments
plaident pour un puis sémantiquement temporel, notamment le fait que puis
n’est pas utilisable lorsqu’une lecture temporelle ou temporalisée est
impossible, comme en (18) ci-dessous :
(20)      Il y a plein de cas où tu dois faire une sauvegarde supplémentaire. D’abord,
          si tu ouvres un fichier reçu par e-mail. ?Puis / ?Après, si tu dois transférer le
          fichier à un collègue qui utilise une autre plate-forme. ?Puis / ?Après
          surtout, chaque fois que tu fais une modification sur le fichier original.

Cette hypothèse est renforcée par le fait qu’une combinaison comme ensuite
mais pas après est naturelle, mais pas après annulant un enrichissement
pragmatique temporel typique mais non obligatoire de ensuite, alors qu’une
combinaison comme *puis mais pas après semble impossible, ce qui
montrerait que la valeur temporelle de puis n’est pas annulable et par
conséquent est première sémantiquement. Il est donc tenable que puis soit
temporel, ce qui fournirait la base d’une explication pour l’étrangeté de (5) :
(5)    Je ne sortirai pas. D’abord, je suis fatigué, ? puis aller au restaurant est la
       dernière chose qui me ferait plaisir.

Toutefois, il reste à comprendre pourquoi puis résiste à la focalisation, en
particulier en construction clivée. Reste également à comprendre pourquoi sa
combinaison avec la conjonction et fait basculer puis dans la classe sérielle
(et puis).

Références

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Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif         15

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16                   Louis de Saussure & Patrick Morency

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Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif          17

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Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif

  • 1. Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif Louis de SAUSSURE et Patrick MORENCY Université de Neuchâtel (Suisse) 1. Introduction Les expressions temporelles, c’est bien connu, peuvent donner lieu à des lectures qui ne réfèrent pas à la temporalité externe au discours, voire qui ne réfèrent à aucune temporalité particulière autre que celle induite de facto par l’énonciation elle-même. La littérature identifie une grande variété d’usages de ce genre, qui illustrent cette propriété de la plupart des expressions en principe dévolues au temps de pouvoir remplir d’autres fonctions que la référence temporelle stricto sensu. Ainsi en va-t-il d’abord d’un certain nombre d’usages – que la tradition de la théorie de la pertinence traite sous le terme d’usages interprétatifs 1 – comme les temps verbaux produisant un effet d’acte de langage indirect (typiquement les imparfaits d’atténuation et forains2) ou de contrefactualité (imparfaits de « conséquence non réalisée ») ou encore de modalité (par exemple la modalité épistémique exprimée par le futur putatif), etc. A cette classe d’effets non temporels – ou non strictement temporels – déclenchés par des morphèmes habituellement considérés par ailleurs comme temporels, appartiennent également des usages particuliers d’expressions adverbiales. C’est à ces cas de figure d’enrichissement pragmatique, ou, pour être prudents, de lecture non temporelle, que nous allons nous intéresser prioritairement ici : il s’agit des usages argumentatifs et discursifs des expressions adverbiales temporelles, qui est un phénomène relativement bien identifié et qui a fait l’objet d’une littérature assez abondante pour le français 3. Ces usages ont une fonction d’organisation du discours ou de 1 Cf. Sperber & Wilson (1989) pour la notion d’usage interprétatif et Saussure (2003) pour son application concrète à l’analyse d’effets liés à des expressions temporelles spécifiques ; voir également Sthioul (1998), Saussure & Sthioul (2005), Morency & Saussure (2007), Saussure (à paraître). 2 Pour un argumentaire qui fait reposer ces effets sur le temps verbal en fonction de conditions contextuelles particulières, cf. Saussure & Sthioul (2005). 3 Cf. par exemple Schelling (1982 et 1983), Gerecht (1987), Mosegaard Hansen (1995), Molendijk & De Swart (1996), Reyle (1998), Bacha (2005), Bras, Le Draoulec & Vieu (2001), ainsi que Rabatel (2001) qui parle quant à lui de valeur délibérative. Ces notions sont à distinguer toutefois de ce que la littérature habituelle entend sous le terme de marqueur discursif ou connecteur discursif, classe d’expressions ne portant que sur les connexions discursives, © Cahiers Chronos – sous presse – presenté à Chronos 7 (Anvers), sept 2006
  • 2. 2 Louis de Saussure & Patrick Morency l’argumentation et s’opposent ainsi, au moins en partie, à leur usage proprement temporel, ou encore semblent combiner temporalité et autre chose. Les cas de figure présentés dans les séries (1b) et (2b-c) ci-dessous illustrent ces effets face aux cas temporels présentés en (1a) et (2a) : (1a) En outre, pour trouver des capitaux, il s’est avisé de décider la plupart de ses employés à placer leur argent chez lui. Aussi est-il sans un sou maintenant, et si un miracle ne se produit pas, s’il n’arrive pas à tripler sa vente, comme il l’espère, vous verrez quelle débâcle ! (Zola, Au bonheur des dames). (1b) On sait qu’ils se voient souvent. Maintenant, on ne sait pas s’ils sont amants. (d’après Nef, 1978). (2a) Elle lui rendit ses baisers, sans trouver une parole. Les deux femmes prirent ensuite Pépé, qui tendait ses petits bras. Et la réconciliation fut complète. (Zola, Au bonheur des dames). (2b) De cette loi, il tirait toutes sortes d’applications. D’abord, on devait s’écraser pour entrer, il fallait que, de la rue, on crût à une émeute; et il obtenait cet écrasement, en mettant sous la porte les soldes, des casiers et des corbeilles débordant d’articles à vil prix ; si bien que le menu peuple s’amassait, barrait le seuil, faisait penser que les magasins craquaient de monde, lorsque souvent ils n’étaient qu’à demi pleins. Ensuite, le long des galeries, il avait l’art de dissimuler les rayons qui chômaient, par exemple les châles en été et les indiennes en hiver; il les entourait de rayons vivants, les noyait dans du vacarme. (Zola, Au bonheur des dames). (2c) Je ne sortirai pas. D’abord je suis fatigué, ensuite aller au restaurant est la dernière chose qui me ferait plaisir. Enfin, il y a un match à la télé ce soir. Dans les exemples (1a) et (2a), les expressions adverbiales temporelles sont interprétées comme dénotant la temporalité référentielle des procès qu’elles prennent sous leur portée (1a) ou leur ordonnancement temporel (2a). En (1b) et (2b-c), au contraire, cette fonction temporelle semble s’occulter pour faire place à une fonction discursive, celle de qualifier d’une manière argumentative l’énonciation dans laquelle elle s’insère (1b) ou de marquer la succession d’arguments ou de propositions (2b) ou, plus généralement, des énonciations elles-mêmes (2c), en vue de produire divers effets discursifs comme la motivation d’une série de conséquences de raisonnements liées à une forme de prémisse (2b) ou au contraire la motivation d’une série de causes possible pour une inférence présentée anaphoriquement (2c). A ces exemples, il conviendrait d’ajouter quelques cas supplémentaires. Ainsi, (2d) et (2e) produisent des listes en dehors de tout aspect justificatif c’est-à-dire ne concernant que l’organisation du discours stricto sensu, cf. Nølke (1990), Schiffrin (1987), Rossari (2000) par exemple.
  • 3. Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif 3 (une énumération d’exemples pour 2d et une énumération descriptive pour 2e) : (2d) Il y a plein de cas où tu dois faire une sauvegarde supplémentaire. D’abord, si tu ouvres un fichier reçu par e-mail. Ensuite, si tu dois transférer le fichier à un collègue qui utilise une autre plate-forme. Et puis surtout, chaque fois que tu fais une modification sur le fichier original. (2e) C’est très joli. D’abord il y a une belle cour d’honneur. Ensuite il y a les tours crénelées qui se dressent, massives et imposantes, au-dessus des douves. Et puis il y a les jardins, superbes, qui sont visités par des centaines de touristes chaque été. Ceci nous permet d’introduire une précision terminologique : lorsque les expressions adverbiales établissent une liste de propositions correspondant à des arguments permettant de justifier une conclusion, comme en (2c), il nous semble légitime de parler d’usages argumentatifs. En revanche, lorsque la liste produite n’a pas de caractère de justification et ne constitue qu’une énumération sous forme de liste, qu’il s’agisse d’une liste de conséquences tirées d’une prémisse, comme en (2b), d’une énumération d’exemples ou de descriptions, comme en (2d) et (2e), on ne voit pas très bien ce qui motiverait l’irruption d’une notion d’argumentation (à moins d’adopter un postulat très général sur le caractère intrinsèquement argumentatif de l’usage du langage, comme chez Anscombre & Ducrot 1983, mais la notion d’argumentation change alors de sens). Nous appellerons ces cas des usages proprement discursifs des expressions temporelles concernées. Cette précision donnée, il reste à souligner que pour des raisons de principe, nous adoptons une hypothèse univoque à l’égard de ces expressions, c’est-à-dire qu’elles ont pour nous une valeur fondamentale unique, primitive, les autres valeurs constatées en discours devant alors s’expliquer par une forme quelconque de dérivation ou, pour nous, d’enrichissement pragmatique. Autrement dit les différents usages de ces expressions observés dans les exemples ci-dessus appellent une description unifiée, qui exclut l’idée qu’il y ait plusieurs entrées lexicales distinctes pour ensuite par exemple, l’une qui concernerait la temporalité référentielle et l’autre qui concernerait l’organisation discursive en propre. L’une des questions essentielles soulevées par ces usages dans ce cadre, outre la variété de leurs effets possibles, est celle de leur sémantique fondamentale. A priori, l’hypothèse la plus intuitive est qu’il s’agit là d’expressions primitivement temporelles, qui s’enrichissent ou s’accom- modent en discours, en fonction des contraintes contextuelles, vers une temporalité discursive au lieu de porter sur la temporalité référentielle. Si tel devait être le cas, en particulier pour des connecteurs temporels comme ensuite, la description ne poserait alors guère que des problèmes techniques, les questions à résoudre portant alors sur le fait de savoir s’il
  • 4. 4 Louis de Saussure & Patrick Morency s’agit d’enrichissements qui font basculer l’expression d’une signification littérale (la succession temporelle) vers un sens non littéral (la succession dans un raisonnement), ou d’enrichissements métareprésentationnels (auquel cas ensuite connecte des représentations de faits dans un cas, mais des représentations de représentations dans l’autre), parmi d’autres possibilités éventuelles. En réalité, il apparaît après un examen plus attentif que l’explication que l’on serait tenté de donner « par dérivation » ou « par enrichissement » pèche par excès de simplification. Cet excès de simplification concerne en particulier l’hypothèse, évoquée plus haut, qui accorde systématiquement à toutes ces expressions une valeur fondamentale temporelle. Si elle est tenable pour certaines d’entre elles, elle est beaucoup plus difficile à maintenir pour d’autres, comme ensuite, ainsi que nous allons tenter de le montrer, contrairement à la position habituelle (notamment Kozlowska 1998, qui discute d’ailleurs très finement les effets intervallaires d’ensuite mais n’entre pas en discussion sur la question même de l’appartenance de ce connecteur à la classe temporelle). Enfin, nous suggérerons de séparer ces expressions « temporelles » en deux classes, l’une regroupant des expressions effectivement temporelles, et qui peuvent connaître un enrichissement pragmatique discursif ou argumentatif, et l’autre, regroupant des expressions sérielles, qui peut réaliser au moins deux effets, l’un concernant la consécution discursive ou argumentative et l’autre concernant la consécution temporelle. L’objectif de cet article est de préciser et de documenter cette conception, en traitant plus particulièrement des adverbes sériels. 2. Observations générales Il convient d’abord d’observer la différence entre les deux grands types illustrés respectivement en (1b) d’une part et (2b) et (2c) d’autre part. Dans le premier cas, nous avons affaire à un situeur temporel interprété comme portant sur l’énonciation, assorti d’une variété d’effets argumentatifs (typiquement le contraste), cf. Saussure (à paraître). Dans le deuxième cas, qui nous occupera prioritairement ici, les expressions adverbiales marquent l’ordre des propositions, tout comme dans la lecture temporelle, elles marquent l’ordre des procès. Il s’agit donc, dans notre approche, de connecteurs temporels (cf. Saussure 2003, ainsi que Bras & Le Draoulec (2006) avec qui nous convergeons ici). Il est intéressant de noter que la classe des situeurs temporels ne permet pas toujours la lecture argumentative. Certes, on pourrait penser que comme le « temps du discours » ne fait intervenir que des situations ponctuelles (le moment de l’énonciation), les situeurs ponctuels autoriseraient la lecture argumentative (au contraire par exemple des situeurs intervallaires). Or tel
  • 5. Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif 5 n’est pas le cas. Si par exemple (1b) est intuitivement naturel en lecture non temporelle, ce n’est pas le cas des exemples (3) et (4) : (3) On sait qu’ils se voient souvent. ? En cet instant, on ne sait pas s’ils sont amants. (4) On sait qu’ils se voient souvent. ? Au moment où je parle, on ne sait pas s’ils sont amants. Le même type d’observation peut être mené au sujet des expressions signalant l’ordre temporel : toutes les expressions temporelles permettant de signaler un ordre n’autorisent pas le transfert de dénotation du temps référentiel au temps discursif ou argumentatif : (5) Je ne sortirai pas. D’abord, je suis fatigué, ? puis aller au restaurant est la dernière chose qui me ferait plaisir. (6) Je ne sortirai pas. ? Avant, je suis fatigué, ? plus tard aller au restaurant est la 4 dernière chose qui me ferait plaisir . De ces éléments, nous tirons notre rejet d’une position généralisante qui voudrait que le lien entre temporalité référentielle et temporalité discursive ne serait que l’application d’un mécanisme global de transfert d’un système référentiel à l’autre. En revanche, l’hypothèse sous-jacente qui veut que les expressions temporelles peuvent « naturellement » renvoyer à plusieurs temporalités (temps référentiel ou temps du discours selon les cas) mérite bien entendu une certaine attention. Ce double jeu des expressions temporelles est évidemment une réalité, outre les simples faits que nous cherchons à traiter. Mais cette réalité peut être envisagée de différentes manières. De nombreux auteurs évoquent le lien entre ces expressions et la structuration même du discours ; de ce lien seraient alors issues les variétés d’interprétations que l’on observe. Cette relation était déjà évoquée par Weinrich (1964) quand il attribuait (hâtivement, cf. Saussure 2003) aux temps verbaux la fonction première de signaler le type de texte. C’est également cette relation entre dénotation référentielle et structuration du discours qu’évoque par exemple Adam (1990 : 161) quand il parle des « organisateurs temporels » fonctionnant comme des marqueurs ayant pour fonction de « baliser la progression textuelle en découpant des paquets de propositions selon un ordre chronologique », mais surtout quand il traite la série d’abord – puis – ensuite – enfin à laquelle il ajoute quelques autres expressions comme (et) encore, dont il dit qu’elle « emprunte ses unités à un système temporel » (Adam 1990 :160), un point que nous allons discuter plus 4 Dans ces deux exemples, et après serait en revanche possible pour introduire le deuxième terme.
  • 6. 6 Louis de Saussure & Patrick Morency bas. Pour Adam, l’une des fonctions de ces expressions « temporelles » en tant que marques linguistiques est d’induire « un ordre de lecture » voire « la trace de l’opération de mise en texte ». On trouve également un point de vue approchant chez Cadiot & al. (1985) qui considèrent par exemple que enfin a pour fonction de « mettre fin à un discours précédent », accordant ainsi le primat fonctionnel de ces expressions à la structuration discursive. A leur manière, les sémantiques formelles dynamiques comme la SDRT (Lascarides & Asher 1993, Asher & Lascarides 2003, cf. également Scherrer 2006) établissent aussi un parallèle entre les structures temporelle et discursive, par le biais de relations rhétoriques en partie déterminées par la sémantique des expressions temporelles. Par exemple, les travaux toulousains (Bras, Le Draoulec & Vieu 2001 et 2003, Le Draoulec & Bras 2007) sur alors et sur puis, suggèrent que ces expressions déterminent des relations de structuration discursive ; de même, au sujet de la conjonction de coordination, Gomez Txurruka (2003) discute d’anciennes hypothèses sur l’ordre temporel avec et (notamment l’hypothèse Bar-Lev & Palacas 1980) sous l’angle de telles relations (cf. Saussure & Sthioul 2002 pour une discussion détaillée de ces points) 5. Dans un premier cas général – celui de l’analyse textuelle héritée de Weinrich – le primat sémantique des expressions temporelles est de porter d’une manière ou d’une autre sur le discours, leur effet de référence temporelle étant d’ordre secondaire. Dans le deuxième cas, celui des sémantiques dynamiques, l’effet de référence temporelle est bien premier sémantiquement, mais la fonction ultime reste leur participation, avec un ensemble d’autres paramètres (notamment contextuels) à la fabrication des relations rhétoriques, elles-mêmes obéissant à des lois logiques générales régissant l’organisation du discours. Pour contribuer à ce débat, on peut observer qu’une pragmatique radicale à la Sperber & Wilson ne cherche pas, dans sa version canonique, à traiter le niveau du discours et de sa structuration, le considérant illusoire ou laissant cet objectif à d’autres cadres pragmatiques (Saussure 2007) ; toutefois la question principale qui se pose dans un tel cadre, pour en revenir à la distinction entre les usages temporels et discursifs des adverbiaux, reste bien celle de la valeur sémantique fondamentale de ces expressions (temporelles, discursives, ou d’une autre nature) et du type d’enrichissements qu’elles génèrent en contexte. On remarque que Luscher & Moeschler en 1990 déjà, dans leur traitement de enfin, se sont engagés dans une tentative 5 Relevons tout de même que pour Gomez Txurruka (2003), et autorise uniquement la relation rhétorique de narration (relation « par défaut » de consécution temporelle dans la SDRT) et une forme particulière de la relation d’élaboration (qui équivaut à la relation d’encapsulation dans Saussure 1997), à savoir la « liste atemporelle » (time-free list).
  • 7. Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif 7 de résolution de ce problème au sujet de enfin, sans toutefois parvenir à préciser clairement la nature des enrichissements qui leur permettent de dresser l’arborescence taxonomique des effets produits. A propos des usages discursifs de enfin, ils remarquent simplement que cette expression peut marquer « la fin d’un discours » ou « le dernier élément d’un discours » (Luscher & Moeschler 1990 : 94). Dans un cadre à la Sperber & Wilson, il aurait pu sembler tentant d’adopter le point de vue généralisant auquel nous faisions allusion plus haut, pour lequel l’expression, qu’elle soit d’ailleurs temporelle ou non en termes de valeur sémantique fondamentale, peut donner lieu à une spécification temporelle ou discursive selon les contextes, toutefois non pas en vertu d’un encodage particulier des parcours interprétatifs auxquels l’expression peut donner lieu mais en vertu d’une aptitude naturelle de l’esprit à enrichir les contenus pour satisfaire la recherche de pertinence ; ce serait ce mécanisme général qui permettrait alors de passer de la valeur temporelle de base, par exemple, à la valeur discursive, enrichie. Dans un tel cas, nous aurions un effet d’enrichissement libre, au sens de Carston (2002), qui irait de la temporalité référentielle vers la temporalité discursive / argumentative. C’est d’ailleurs ainsi que Carston, dans ses travaux sur la conjonction, menés avec Blakemore (Blakemore & Carston 1999), traite de l’enrichissement de et en marqueur de temporalité discursive (métalinguistique) dans des exemples comme (7) : (7) Paul s’est mis au lit et il a enlevé ses chaussures. qui se comprend : (8) (Non seulement) Paul s’est mis au lit, mais il a (donc) enlevé ses chaussures. Pour les expressions que nous observons ici, du moins pour une partie significative d’entre elles, leur valeur discursive ou argumentative ne peut pas être considérée comme un effet déterminé sur la simple base de leur temporalité, puisque la possibilité d’une telle valeur varie d’une expression à l’autre en fonction de facteurs qui semblent échapper à une analyse qui serait purement conceptuelle (qu’on observe à cet égard la ressemblance entre ensuite et puis ou entre maintenant et en cet instant en termes de référence temporelle face à leur non-commutabilité en usage discursif / argumentatif) ; il y a donc pour ces expressions des contraintes sémantiques sur l’effet pragmatique. En d’autres termes, nous suggérons que l’enrichissement pragmatique auquel elles donnent lieu n’est pas « libre » (dans le sens où il ne repose pas sur des principes généraux, qui permettraient par exemple de supposer un « parallélisme » entre une temporalité du récit et une structuration discursive indépendamment des expressions linguistiques utilisées) mais contraint sémantiquement (l’expression encode une procédure
  • 8. 8 Louis de Saussure & Patrick Morency d’enrichissement déterminée qui conduit le destinataire à sélectionner, contextuellement, la lecture intentionnée de l’expression). Nous ne pourrons pas dans ces pages, bien entendu, donner une réponse globale à cette question qui nécessiterait en fait une étude détaillée au cas par cas. Nous allons maintenant nous attacher plus précisément à défendre l’idée, pour le français, que sous l’apparence de l’homogénéité, les adverbiaux d’ordre se divisent en réalité en deux classes, comme nous l’annoncions plus haut, et que nous pouvons appeler les adverbiaux temporels et les adverbiaux sériels. 3. Adverbiaux temporels et adverbes sériels Nous avons observé plus haut que l’usage discursif / argumentatif d’expressions d’apparence temporelle est bloqué en cas de commutation par d’autres expressions qui semblent référentiellement similaires. Nous avons ainsi observé que si les exemples en (2a à e) sont naturels, changer l’expression adverbiale par une autre expression bloque l’usage discursif / argumentatif, comme en (5) et (6), que nous reproduisons ici : (5) Je ne sortirai pas. D’abord, je suis fatigué, ? puis aller au restaurant est la dernière chose qui me ferait plaisir. (6) Je ne sortirai pas. ? Avant, je suis fatigué, plus tard aller au restaurant est la dernière chose qui me ferait plaisir. Notre hypothèse est que de nombreuses expressions qui permettent de produire un séquencement temporel n’ont que l’apparence d’une sémantique temporelle et cachent en réalité une sémantique proprement ordinale. Ce sont les adverbiaux que nous dirons ici sériels, à la suite également des observations de Turco & Coltier (1988) et Nøjgaard (1992) 6. La littérature classe souvent les expressions d’ordre à l’intérieur d’une classe générale dite des « marqueurs d’intégration linéaire » 7, et ensuite y est généralement décrit comme appartenant à une sous-catégorie « temporelle », avec d’abord et enfin. Turco & Coltier, en particulier, identifient la série d’abord – ensuite – enfin à la notion de sérialisation, mais y voient une origine morphosémantique temporelle 8. Pour Adam (1990) que nous citions plus haut, la composante temporelle semble constituer la valeur sémantique de base de ces expressions. Pour nous, cette origine, si tant est qu’elle existe, doit être envisagée comme diachronique (un point que nous ne traitons pas ici) ; cette précision a son importance, car le terme d’ « origine 6 Que nous rappelle Laurent Gosselin (communication personnelle). 7 Dénomination qui semble provenir d’Auchlin (1981) ; Adam (1990) utilise précisément cette notion dans son traitement des expressions temporelles. 8 Voir aussi Stein-Zintz (2006).
  • 9. Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif 9 morphosémantique » peut être ambigu et faire croire que la valeur discursive de ces expressions est dérivée d’un emploi sémantiquement premier qui serait temporel ; notre objectif dans ces lignes est précisément de suggérer qu’il n’y a, en synchronie, soit aucune base sémantique liée à la temporalité dans ces expressions, soit que cette base sémantique est fonctionnellement inactive, et qu’elles sont donc sémantiquement sérielles et non temporelles. C’est pourquoi le terme de temporelles pour ces expressions nous semble propre à générer de la confusion. L’idée que ces expressions ont une sémantique temporelle ne repose que sur le fait que ce qui vient en premier est temporellement antérieur, soit en procès soit en discours, à ce qui vient en deuxième. Toutefois, rien ne permet par exemple de penser que premièrement ou deuxièmement soient des adverbes temporels, en dépit du fait que rien n’est plus naturel que de présenter les choses premières avant les choses secondes. A propos de ensuite, Nous relevions dans Saussure (2003) que certains effets, comme l’insertion d’un intervalle « vide » entre le procès antérieur et le procès postérieur (comme l’a suggéré Kozlowska 1997), ne sont aucunement explicables par la notion de « suite », même temporelle, puisque l’idée de suite s’accommode aussi bien de l’adjacence que de la non- adjacence ; la conclusion qui s’imposait alors était la suivante : puisque tous les effets de sens de ensuite ne sont pas explicables sur la base de la notion de suite, l’expression encode une procédure d’enrichissement pragmatique et non un concept de « suite » pur. Nous pouvons ici préciser les choses : la base sémantique d’ensuite est une base d’ordonnancement sériel, et par ailleurs, la procédure encodée par ensuite impose certains effets particuliers dans certaines situations, typiquement l’insertion d’un intervalle vide lorsque ensuite s’inscrit dans une séquence narrative, ou d’autres éléments, peut-être une déconnexion thématique dans les cas discursifs ou argumentatifs, dans certains contextes, mais nous laissons cela ici à titre d’hypothèse pour une étude ultérieure sur ensuite. Turco & Coltier (1988) font la différence entre la série d’abord - ensuite - enfin et la série premièrement, deuxièmement, troisièmement. A notre sens, la deuxième série présente des adverbes de manière qui portent spécifiquement sur l’organisation discursive, c’est-à-dire la manière « de présenter les choses ». De la sorte, ces adverbes s’apparentent à des adverbes d’énonciation, comme franchement, à ceci près qu’ils qualifient ordinalement la proposition dans laquelle ils s’insèrent et non l’attitude du locuteur face à la proposition énoncée. A cette série appartiendrait donc plutôt finalement, dont on voit bien ici la différence avec enfin. Nous admettons, comme Turco & Coltier, les deux principales classes d’adverbes sériels suivantes :
  • 10. 10 Louis de Saussure & Patrick Morency Adverbes sériels d’ordre 1) adverbes d’ordre simples : d’abord / tout d’abord – ensuite – enfin 2) adverbes ordinaux de manière : premièrement – deuxièmement - … - finalement Ceci dit, la différence proposée par Turco & Coltier, que nous modifions quelque peu ici par l’introduction de finalement dans la seconde liste, n’est pas fondamentale, car on observe qu’il est très naturel de mélanger à loisir ces deux séries, (avec sans doute un espace de liberté plus grand dans l’oral) et c’est plutôt ceci qui nous importe : (12) Que demande Isaac pour son fils Jacob ? Premièrement les rosées du ciel ; les bénédictions spirituelles et ensuite les biens de la terre. (Père Bourdaloue, Sermons pour les jours de carême, Frantext). (13) Tout d’abord, en focalisant le travail sur le Parlement européen. Deuxièmement, à l’intérieur de chaque pays, en ne disant pas, « c’est la faute à Bruxelles », alors que ce n’est pas la Commission qui prend les décisions en général, mais c’est le Conseil des ministres (Jacques Delors, interview sur Europe-1 9). L’anglais, par comparaison, ne semble pas identifier deux séries distinctes, car il ne présente pas d’équivalent univoque pour d’abord. Ainsi, to begin with ne semble pas du tout significativement préféré face à first dans une série énumérative qui contiendrait then, équivalent approximatif pour ensuite ; to begin with semble d’ailleurs préféré quand il s’agit d’introduire une proposition à valeur d’argument. De manière plus cruciale, on remarque toutefois que la séparation est claire en anglais entre les adverbiaux sériels et les adverbiaux proprement temporels : si (14) est naturel pour une énumération non temporelle, (15) est étrange : (14) First, there is the President, then the Vice-President, then the Secretary of State… (15) First, there is the President, ? afterwards the Vice-President… Des expressions sérielles comme celles-ci sont le correspondant linguistique d’une catégorie plus fondamentale d’ordre, qui recouvre un ensemble de faits qui va de l’énumération pure à la hiérarchisation selon un ordre particulier. Pour nous, ces expressions permettent indifféremment de réaliser l’une ou l’autre des ces possibilités selon le contexte et la nécessité de saturer la pertinence de l’énoncé. Nous poserons donc l’hypothèse que le contenu sémantique premier de ces expressions concerne l’énumération pure, car c’est le contenu le moins déterminé sémantiquement. Les autres enrichissements 9 Date inconnue (http://www.notre-europe.eu/fr/dans-lactualite/publication/interview-de- jacques-delors-sur-europe-1/)
  • 11. Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif 11 auxquels elles peuvent donner lieu nous semblent faire intervenir un type d’ordre spécifique, qui relève d’une forme de hiérarchisation. Revenons donc maintenant sur les types d’usages que nous relevons pour ces expressions. Elles peuvent donc d’abord servir à une simple énumération sans ordre pertinent particulier (sémantique fondamentale), typiquement pour établir une liste de spécifications variées pour un topique commun (exemple 2d). Elles peuvent ensuite permettre de hiérarchiser l’information en termes d’importance (ainsi le premièrement de (12) permet de montrer l’importance première des « rosées du ciel » face aux « biens de la terre » ; que cet ordre reflète par ailleurs éventuellement une séquence temporelle des prières adressées à Dieu par Isaac est accidentel : l’énoncé nous semblerait également pertinent si Isaac demande d’abord à Dieu les biens de la terre puis seulement les rosées du ciel en insistant sur le caractère plus important de ces dernières 10). Elles permettent dans d’autres cas de hiérarchiser l’information selon un ordre d’accessibilité (par exemple spatiale, dans un effet de description, exemple 2e). Adam (1990 : 154) fait la même hypothèse : de telles marques permettent d’introduire parfois des niveaux hiérarchiques 11. Généralement, ces trois valeurs sont simplement dites « discursives » dans la littérature, mais on voit qu’elles ne se réduisent pas l’une à l’autre, certaines étant plus spécifiques que d’autres. Bien entendu, et ceci ne manque pas d’importance dans le propos qui est le nôtre, elles permettent également de hiérarchiser l’information de manière temporelle, ce qui fait que ces expressions sont parfaitement appropriées, face à des expressions proprement temporelles comme avant, pendant ou après, à communiquer l’ordre spécifiquement temporel. Toutefois, dans ce cas, nous avons affaire à un enrichissement qui a permis de passer de l’ordre « en général » à l’ordre temporel. Par ailleurs, cela n’empêche aucunement les expressions concernées de présenter des restrictions d’emploi si nous admettons que toutes ou certaines d’entre elles, à l’instar d’ensuite, encodent une procédure d’enrichissement. Autrement dit, 10 Bien que cette interprétation serait un peu plus coûteuse car elle brise la naturalité du parallélisme entre la série ordonnante premièrement / ensuite et le temps référentiel des actions décrites, en l’espèce des demandes formulées par Isaac à Dieu. Cela ne tient qu’à une ambiguïté de ce que qualifie la liste : ordre d’importance, ordre temporel, ou les deux à la fois comme c’est souvent le cas. 11 Toutefois, il assure également quelques pages plus loin que ces marques placent les éléments segmentés « au même niveau hiérarchique » ; nous hésitons sur l’interprétation à donner à cette hésitation de sa part entre distinction et similitude des niveaux hiérarchiques. Il s’agit peut-être de deux types distincts de hiérarchisation : hiérarchisation (possible) des énonciations dans le premier cas, et hiérarchisation (impossible) des objets concernés par les propositions dans l’autre cas. Cependant, Adam ne développe pas cette différence.
  • 12. 12 Louis de Saussure & Patrick Morency il y a à ce stade deux possibilités à étudier en détail pour chacune des expressions concernées : la première est que l’expression ne soit pas procédurale mais autorise une spécification de l’ordre vers l’ordre temporel par un enrichissement libre, c’est-à-dire déterminé par l’esprit et non par l’item linguistique en propre, et la deuxième est que l’expression conduise à cet enrichissement par le biais d’une procédure spécifique qui impose des restrictions d’emploi, comme ensuite qui peut s’intercaler entre des éventualités pour autant qu’une représentation non adjacente de l’ordonnancement temporel soit possible. Pour nous, quoi qu’il en soit, il ne s’agit là que de l’un des enrichissements possibles, même s’il est particulièrement courant, des expressions concernées, et cela ne constitue pas une classe qui serait totalement séparée des autres, surtout si nous observons également que ce type d’enrichissement peut s’appliquer soit à l’ordre dans lequel des procès se sont produits, soit à l’ordre dans lequel il est pertinent de présenter les choses en discours. Il y a donc en principe deux sous-types possibles d’enrichissements temporels des expressions sérielles, l’un qui porte sur les procès (qu’on pourrait appeler série narrative), et qui signale leur ordonnancement, et l’autre qui porte sur les éléments discursifs, et qui signale la pertinence de l’ordre de leur apparition en discours. Enfin, elles permettent aussi de hiérarchiser les arguments pour distribuer correctement leur fonction logique, selon un ordre (qu’il soit naturel ou conventionnel est ici sans importance) qui va des prémisses vers une conclusion, qui va d’une conclusion vers sa justification par une liste d’arguments (exemple 2c), ou qui va d’une proposition vers une série de conséquences que cette proposition peut faire induire (2b). Seul ces types d’usages sont proprement des usages argumentatifs. Nous suggérons donc que les expressions renvoyant aux concepts d’abord, de suite et de fin, ainsi que celles qui sont des adverbes ordinaux de manière, signalent la sérialisation mais ne correspondent vraisemblablement sémantiquement à rien de temporel. Cela permettrait d’expliquer pourquoi i) ces expressions portent tout naturellement sur le séquencement discursif ou argumentatif et ii) elles peuvent s’enrichir de manière plus spécifique pour porter, par enrichissement, sur le temps référentiel. Enfin, nous précisons que l’enrichissement auquel ces expressions donnent lieu ne va donc pas dans le sens temps – discours mais plutôt dans le sens inverse, ou, plus précisément, elles vont d’une sous-spécification à une spécification en contexte, soit vers le discours, soit vers la temporalité. Ainsi, nous considérons donc qu’un effet d’ordre temporel associé par exemple à ensuite résulte d’un enrichissement pragmatique à partir d’une valeur fondamentale ordinale et non temporelle. Cet enrichissement peut être interprété comme un effet d’implicature, ce qui serait conforme à l’observation qui montre que la combinaison ensuite mais
  • 13. Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif 13 pas après est possible, mais non après mais pas ensuite (mais permettant de « défaire » une éventuelle implicature temporelle déclenchée par ensuite, tandis qu’il serait redondant d’avoir une forme qui signale la consécution temporelle, comme après tout en niant l’existence d’un ordre en tant que tel. 4. Conclusion Nous avons défendu dans cet article l’hypothèse qu’il existe deux grandes classes de connecteurs qui peuvent organiser l’ordre temporel des événements et l’ordre argumentatif des énonciations : ceux qui sont proprement temporels et s’enrichissent en usage discursif, et ceux qui sont sériels et portent sur une série contextuellement pertinente (série d’arguments ou série d’événements) et peuvent s’enrichir pragmatiquement en recevant une lecture temporelle. Toutefois, il ne s’agit pour l’instant que d’une première série d’observations ; elles doivent encore être considérablement étayées par la prise en considération d’une variété d’usages sur lesquels nous ne nous sommes pas encore penchés ici. Il y a notamment des expressions proprement temporelles dont l’usage autorise un enrichissement discursif assorti d’une variété d’effets, comme lorsque après sert à introduire quelque chose comme un changement de topique, une focalisation, et / ou une concession : (16) Elle est tout le temps à se plaindre. Après c’est vrai qu’elle a beaucoup de travail la pauvre. Cet ensemble d’effets semble très différent lorsque la conjonction vient s’y adjoindre (peut-être à cause de la grammaticalisation de et après ? comme marquant une question rhétorique conventionnelle) : (17) Elle est tout le temps à se plaindre. ?Et après c’est vrai qu’elle a beaucoup de travail. Enfin, il existe tout un ensemble d’expressions dont le statut sémantique, temporel ou sériel, prête à confusion et à débat. Parmi ces expressions, on comptera celles qui ont une origine temporelle mais dont on peut suspecter qu’elles se sont grammaticalisées en sérielles, comme alors ou dès lors, voire cependant. Le plus frappant de ces connecteurs est sans doute puis et sa variante et puis : nous observions d’emblée, en contrastant (5) et (2c), la non- commutabilité de puis avec ensuite en interprétation discursive / argumentative. La littérature sur puis hésite sur le statut fondamental, temporel ou non, à accorder à cette expression. Bras, Le Draoulec & Vieu (2003) contestent la valeur première temporelle de puis défendue par Mélis (1983) et Mosegaard Hansen (1995 et 1998), également suggérée dans les ouvrages de référence
  • 14. 14 Louis de Saussure & Patrick Morency comme le Robert ou le Grevisse. Toutefois Mosegaard Hansen (1998 : 292) pose une nuance en considérant qu’en français contemporain puis a « plus ou moins perdu » sa signification première temporelle. Reyle (1998,73-74), observant que puis bloque la connexion causale, considère que puis n’autorise pas d’établir un lien entre une situation et le changement qu’elle produit, et conclut que puis n’a pas valeur temporelle. D’autres arguments pourraient nous conforter dans cette vue, notamment en relation avec la focalisation, en particulier en clivée, dont Mosegaard Hansen signale l’impossibilité pour la proposition introduite par puis. Mais d’autres éléments plaident pour un puis sémantiquement temporel, notamment le fait que puis n’est pas utilisable lorsqu’une lecture temporelle ou temporalisée est impossible, comme en (18) ci-dessous : (20) Il y a plein de cas où tu dois faire une sauvegarde supplémentaire. D’abord, si tu ouvres un fichier reçu par e-mail. ?Puis / ?Après, si tu dois transférer le fichier à un collègue qui utilise une autre plate-forme. ?Puis / ?Après surtout, chaque fois que tu fais une modification sur le fichier original. Cette hypothèse est renforcée par le fait qu’une combinaison comme ensuite mais pas après est naturelle, mais pas après annulant un enrichissement pragmatique temporel typique mais non obligatoire de ensuite, alors qu’une combinaison comme *puis mais pas après semble impossible, ce qui montrerait que la valeur temporelle de puis n’est pas annulable et par conséquent est première sémantiquement. Il est donc tenable que puis soit temporel, ce qui fournirait la base d’une explication pour l’étrangeté de (5) : (5) Je ne sortirai pas. D’abord, je suis fatigué, ? puis aller au restaurant est la dernière chose qui me ferait plaisir. Toutefois, il reste à comprendre pourquoi puis résiste à la focalisation, en particulier en construction clivée. Reste également à comprendre pourquoi sa combinaison avec la conjonction et fait basculer puis dans la classe sérielle (et puis). Références Adam, J.-M. (1990). Eléments de linguistique textuelle : théorie et pratique de l'analyse textuelle, Liège : Mardaga. Anscombre J.-C. & Ducrot O. (1983), L’argumentation dans la langue, Bruxelles, Margada. Asher, N. & Lascarides, A. (2003) Logics of Conversation, Cambridge University Press. Auchlin A. (1981), « Réflexions sur les marqueurs de la conversation », Etudes de linguistique appliquée 44, 88-103.
  • 15. Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif 15 Bacha, J. (2005), « (Et) puis : marqueur temporel et connecteur argumentatif », in Goes, Jan (éd.), 2005, L'adverbe : un pervers polymorphe, Arras, Artois Presses Université, p. 147-162. Bar-Lev, S. & Palacas, A. (1980). « Semantic command over pragmatic priority », Lingua 51: 137-46. Blakemore D. & Carston R. (1999). « The Pragmatics of and-Conjunctions. The Non-Narrative cases », UCL Working Papers in Linguistics 11: 1- 20. Blakemore D. (1987). Semantic Constraints on Relevance, Oxford, Blackwell. Blakemore D. & Carston R. (1999), « The Pragmatics of and-Conjunctions. The Non-Narrative cases », UCL Working Papers in Linguistics 11, 1- 20. Bras M., Le Draoulec A. & Vieu L. (2001), « French Adverbial Puis Between Temporal Structure and Discourse Structure », in Bras M. & Vieu L. (eds.), Semantic and Pragmatic Issues in Discourse and Dialogue: Experimenting with Current Dynamic Theories, Oxford: Elsevier. Bras M. & Le Draoulec A. (2006), « Quelques candidats au statut de ‘connecteur temporel’ », Cahiers de Grammaire 30, 219-237. Bras, M., Le Draoulec, A., Vieu, L. (2003) « Connecteurs et temps verbaux dans l'interprétation temporelle du discours : le cas de puis en interaction avec l'imparfait et le passé simple », Cahiers Chronos, 11 : 71-97. Cadiot A., Ducrot, O., Fradin, B. & Nguyen, T.B. (1985), « Enfin, marqueur métalinguistique », Journal of Pragmatics 9, 199-239. Carston R. (2002), « Relevance Theory and the saying / implicating distinction », UCL Working Papers in Linguistics 13, 1-35. Cohen L. (1971), « Some remarks about Grice's view about the logical particles of natural languages », in Bar-Hillel Y . (ed.), Pragmatics of natural language, Dordrecht, Reidel. Gerecht, M.-J. (1987), « Alors: opérateur temporel, connecteur argumentatif et marqueur de discours », Cahiers de Linguistique française 8, 69-79. Gómez Txurruka, I. (2003), « The natural language conjunction and », Linguistics and Philosophy 26, 255-285. Kozlowska, M. (1997) « Bornage et ordre temporel », Cahiers de linguistique française 19, 345-68. Kozlowska M. (1998), « Bornage, télicité et ordre temporel », in Moeschler J. & al., Le Temps des événements, 221-244. Lascarides A. & Asher N. (1993), « Temporal Interpretation, Discourse Relations and Commonsense Entailment », Linguistics and Philosophy, 16-5, 437-493.
  • 16. 16 Louis de Saussure & Patrick Morency Le Draoulec, A. & Bras, M. (2007). « Alors as a possible temporal Connective in Discourse », Cahiers Chronos 17, 81-94. Levinson S. C. (2000), Presumptive Meanings. The Theory of Generalized Conversational Implicature, Boston, MIT Press. Luscher J.-M. & Moeschler J. (1990), « Approches dérivationnelles et procédurales des opérateurs et connecteurs temporels: les exemples de et et de enfin », Cahiers de linguistique française 11, 77-104 Luscher J.-M. (2002), Eléments d’une pragmatique procédurale, Göppingen, Kummerle. Molendijk A. & H. de Swart (1999), « L'ordre discursif inverse en français », Travaux de Linguistique 39, 77-96. Morency P. & Saussure L. de (2007), « Remarques sur l’usage interprétatif putatif du futur », TRANEL 45. Mosegaard Hansen M-J. (1998), « The semantic status of discourse markers », Lingua, vol. 104, nos. 3/4: 235-260. Mosegaard Hansen M-J. (1995), « Puis in Spoken French: from Time Adjunct to Additive Conjunct? », Journal of French Language Studies, vol.5, no.1, 31-56 Nef, F. (1978), « Maintenant 1 et maintenant 2 : sémantique et pragmatique de ‘maintenant’ temporel et non temporel », in David J. & R. Martin (éds), La notion d'aspect, Metz, Université de Metz, p. 145-166. Nøjgaard M. (1992), « Les adverbes du français : essai de description fonctionnelle », Historisk-filosofiske Meddelelser, 66 (1). Nølke H. (1990), « Les adverbiaux contextuels : problèmes de classification », Langue française 88, 12-27. Perry, J. (1986). « Thought without Representation », Proceedings of the Aristotelian Society Supplementary, 60: 263-283. Rabatel A. (2001), « La valeur délibérative des connecteurs et marqueurs temporels mais, cependant, maintenant, alors, et dans l'embrayage du point de vue. Propositions en faveur d'un continuum argumentativo- temporel », Romanische Forschungen 113-2, 153-170. Reyle U. (1998), « A note on enumerations and the semantics of puis and alors », Cahiers de Grammaire 23, 67-79. Rossari, C. (2000), Connecteurs et relations de discours : des liens entre cognition et signification, Nancy, Presses Universitaires de Nancy. Saussure L. (1997), « Passé simple et encapsulation d’événements », Cahiers de Linguistique Française 19, 323-344. Saussure L. de (2003), Temps et pertinence, Bruxelles, De Boeck. Saussure L. de & Sthioul B. (2005), « Imparfait et enrichissement pragmatique », in Larrivée P. & E. Labeau (Eds), Nouveaux développements de l’imparfait, Amsterdam, Cahiers Chronos 14, Rodopi, 103-120.
  • 17. Adverbiaux temporels et sériels en usage discursif 17 Saussure L. de (2007), « Procedural pragmatics and the study of discourse », Pragmatics and Cognition 15-1, 139-159. Saussure L. de (à paraître), « Maintenant : présent cognitif et enrichissement pragmatique », Cahiers Chronos. Saussure L. de & Sthioul B. (2002). « Interprétations cumulative et distributive du connecteur et : temps, argumentation, séquencement », Cahiers de Linguistique Française 24 : 293-314. Saussure L. de & Sthioul B. (2005), « Imparfait et enrichissement pragmatique », Cahiers Chronos 14, 103-120. Schelling, M. (1982), « Quelques modalités de clôture: les conclusifs finalement, en somme, au fond, de toute façon », Cahiers de Linguistique Française 4, 63-107. Schelling, M. (1983), « Remarques sur le rôle de quelques connecteurs (donc, alors, finalement, au fond) dans les enchaînements en dialogue », Cahiers de Linguistique Française 5, 169-187. Scherrer Y. (2006), « Nouveaux développements de la SDRT », TRANEL 45, 151-168. Schiffrin D. (1987), Discourse Markers, New York, Cambridge University Press. Schnedecker C. (2001), « Adverbes ordinaux et introducteurs de cadre », Lingvisticae Investigationes, 2, 24, p. 257-287. Sperber D. & Wilson D. (1989), La pertinence. Communication et cognition, Paris, Minuit. Stein-Zintz S. (2006), « De l’altérité spatiale à l’organisation textuelle : la locution d’une part… d’autre part », Schedae 4-1, 29-34. Sthioul B. (1998), « Temps verbaux et point de vue », in Moeschler J. & al., Le temps des événements, Paris, Kimé, 197-220. Turco G. & Coltier D. (1988), « Des agents doubles de l’organisation textuelle, les marqueurs d’intégration linéaire », Pratiques 57, p. 57-79. Weinrich H. (1964), Tempus. Besprochene und erzählte Welt, Stuttgart, Kohlhammer.