SlideShare una empresa de Scribd logo
1 de 1
Descargar para leer sin conexión
le journal du dimanche

dimanche 3 janvier 2021
S’il y avait une leçon à tirer de la
crise sanitaire, ce serait « le retour
au réel ». C’est en tout cas l’analyse
du psychiatre Christophe André,
expert des troubles émotionnels,
anxieux et dépressifs. « Il faut
ouvrir les yeux, balayer nos illu-
sionsdelongévité,degarantied’une
sécurité matérielle qui nous avait
rendusenpartieégoïstes,exigeants,
capricieux, espère le médecin, spé-
cialiste de la méditation. Le réel
se rappelle à nous et peut-être que
ça va nous rendre plus solidaires. »
Est-on mieux préparés à vivre 2021,
car il n’y a plus l’effet de surprise ?
Mieuxpréparés,jenesaispas,mais
mieuxprévenus,oui !Iln’yapasde
surprise : le virus est là, il y aura de
nouvelles vagues et de nouveaux
virus à l’avenir. On est mieux pré-
parés à se protéger du virus. Mais
est-onpourautantmieuxpréparés
à vivre et à s’épanouir dans un tel
climat ? La réponse est mitigée.
Danslasociété,ilyaurasansdoute
un clivage de plus en plus grand
entre les résignés et les indignés.
Ceux qui acceptent et ceux
qui n’acceptent pas ?
En psychologie, l’acceptation est
une démarche active dans laquelle
on reconnaît le réel. On ne se dit
pas « c’est bien » mais « c’est là »,
et on décide de composer avec le
réel.Onn’estnidansledéninidans
l’indignation.L’acceptationestune
démarchequinouspoussenonpas
àrenonceràl’action,maisàchoisir
uneactionéconomiquepouréviter
les gesticulations liées à la colère
ou à la peur. Accepter, ce n’est pas
subir sans rien dire, mais mettre
son énergie dans l’adaptation à ce
qui est là, puis dans le combat.
Quel est l’effet psychologique
de ces confinements à répétition ?
La répétition des adversités et des
épreuves aboutit à deux grandes
conséquences : soit une habitua-
tion, soit une allergie. On le voit
dans les pays en guerre, les gens
peuvent finir par s’habituer aux
situations les plus violentes et
développer une sorte de savoir-
faire de survie ; mais on peut aussi
s’allergiser, devenir intolérant
aux difficultés. Pour certains, la
répétition des confinements est
vécueavecfatalisme,maisd’autres,
qui n’ont pas les ressources pour
s’adapter, se sentent trop sollicités
et ça peut les conduire à un effon-
drement psychologique.
Quelles sont nos ressources
pour y faire face ?
Il y a les ressources intérieures
et extérieures. Cette pandémie
donne un avantage psychologique
auxgensquiontunevieintérieure
riche,auxintrovertis,auximagina-
tifs,auxprofessionsintellectuelles,
pluséquipéespourrééquilibrerleur
mental ;etundésavantageauxper-
sonnes qui puisent leur équilibre
principalement dans les actions et
lesinteractions.Pourelles,l’action
– travailler, cuisiner, jardiner, cou-
rir, bricoler – est un anxiolytique.
Orlesconfinementsmodifientnos
capacités d’action et nous privent
de toutes ces petites rencontres
au fil de l’eau. Pour certains, c’est
un grand facteur de déséquilibre.
Quant aux ressources extérieures,
c’estparexempleavoirunemaison,
unjardinoudesamisdel’autrecôté
delarue.Cettecriserévèledescli-
vages, des lignes de fracture entre
lesdifférentsprofilsdepopulation.
La crise a-t-elle créé un clivage
entre les jeunes et les vieux ?
Entre les âgés qui ne veulent pas
mourir et les jeunes qui veulent
vivre, nos gouvernants ont fait
le choix de protéger les âgés
et de sacrifier les jeunes. Chez
les 15-30 ans, la fréquence des
symptômes de nature anxieuse
et dépressive a doublé. Ce choix
sanitaire va générer des dégâts
sociologiques et économiques
énormes, et doit pousser notre
pays à s’interroger sur les pro-
chaines pandémies. Est-il vrai-
ment sage de sacrifier l’avenir des
jeunes pour faire gagner quelques
années de vie aux plus âgés (dont
je suis) ? La question mérite d’être
posée et on ne peut pas laisser les
médecins seuls face à ce dilemme.
Je crois que ça doit être l’occasion
d’un vrai débat politique, car l’une
des vertus de cette crise est qu’elle
est une répétition générale pour la
prochaine pandémie.
Pourquoi les jeunes sont-ils
les plus pénalisés ?
C’est toute une génération qui ne
peut pas faire son apprentissage
correctement. C’est aussi toute
une tranche d’âge en construc-
tion sociale : c’est à cet âge qu’on
se nourrit du contact avec les
autres, qu’on découvre qui on est
en ayant des aventures amicales
ou sentimentales, en trouvant sa
voie dans la vraie vie et pas sur les
écrans. C’est toute une génération
à qui l’on injecte une forte dose
d’angoisse de l’avenir. Et, enfin,
ils ont quand même le sentiment
de payer l’addition, et la plus cor-
sée, pour les autres. On ne pourra
pas recommencer à les esquinter
comme ça à la prochaine crise.
La crise révèle-t-elle le meilleur
et le pire des individus
et de la société ?
C’estunphénomèneclassiquedans
toutes les crises. Ce qui augmente
dans un premier temps, c’est la
­rigidité,laméfiance,lereplisursoi,
lelienavecdesgensànotreimage.
On s’accroche à ses certitudes. On
appauvrit sa vision du monde en
ne lisant que des informations qui
nousconviennent.Onn’écouteplus
lesgensquinepensentpascomme
nous.Lemouvementquidoitsuivre
estunmouvementderéouverture,
de reprise des interactions et des
actions dans un environnement
modifié. On doit réapprendre à
fonctionner différemment, à faire
le tri parmi nos peurs.
Comment peut-on apprendre
à faire face à l’incertitude ?
C’est difficile, car notre cerveau,
comme celui de la plupart des
mammifères, déteste l’incertitude.
On n’a pas de centre cérébral de
l’incertitude que l’on pourrait
activer face à une situation floue.
On n’est pas capables de se dire
« tu ne sais pas, attends d’avoir
plus d’informations pour décider
et agir ». À la place, on préfère se
raconter des histoires. Mais il est
très rare d’entendre des gens qui
disent : je ne sais pas. S’il faut pour
les scientifiques et les politiques
retenir deux leçons de cette crise,
c’est : un, reconnaître qu’on ne sait
pas et, deux, ne jamais mentir. Le
mensonge, sur les masques, par
exemple, est une catastrophe à
longtermequifaitflambertousles
discours de méfiance par rapport
à toute forme de parole officielle.
Est-ce que ça aboutit, in fine,
au scepticisme sur le vaccin,
plus fort en France qu’ailleurs ?
Ce scepticisme est le fruit de phé-
nomènes compliqués. L’explica-
tion optimiste est de penser qu’on
identifie, au fond, le vaccin à une
médecine dont on ne veut plus :
une médecine de la maladie, des
organes, une médecine techni-
cienne ; alors qu’on veut aller vers
unemédecinedelasanté,delaper-
sonne, de la prévention. Il y a un
aspect légitime dans la méfiance
si elle est le fruit de la prudence,
de l’exigence, de la transparence.
Mais, à la fin, la raison doit tran-
cher : et c’est pour ça que je pense
que la majorité des citoyens (dont
moi) se feront vacciner, une fois
l’efficacité et l’innocuité avérées.
Comment avancer ?
Il faut ouvrir les yeux sur le réel,
balayer nos illusions de longé-
vité, de garantie d’une sécurité
matérielle qui nous avait rendus
enpartieégoïstes,exigeants,capri-
cieux. Le problème d’une société
matérialisteestqu’ellenousdonne
l’illusion qu’on peut se passer de
l’aide des autres, qu’on peut s’en
sortir tout seuls avec sa famille,
qu’on est forts en tant qu’individu.
Mais quand une crise survient on
s’aperçoit qu’on est plus mal tout
seuls que si on est soutenus par
des proches, des voisins, des collè-
gues. La vertu de toute crise est ce
rappel au réel et à l’évidence : nous
sommes fragiles, trop nombreux,
tropremuants,troppolluants.Ilva
falloirqu’onmodifietoutçapourle
mieux. Si on arrive à changer nos
façons de fonctionner, ce monde
peut devenir plus joyeux et plus
épanouissant.
Faut-il finalement accepter
nos fragilités ?
Les gens ne se rendent pas compte
qu’on a vécu un demi-siècle de
royaume enchanté dans lequel
les progrès étaient linéaires : paix,
démocratie, confort, santé… On
avait la certitude que nos enfants
vivraient dans un monde meilleur,
que tout était prévisible et maî-
trisable. Les progrès de la méde-
cine nous garantissaient de vivre
centenaires et en bonne santé. On
avait des certitudes illusoires qui
étaienttrèsagréables,sécurisantes,
très confortables mais aussi très
mensongères ! On ­revient à une
situation normale : la vie humaine,
c’est une dose minimale d’adver-
sité, de souffrance, d’incertitude.
Peut-on s’y faire ?
Oui, je crois. Les civilisations qui
nous ont précédés, l’Antiquité,
le Moyen Âge, en sont la preuve.
On savait que la vie était fragile
et pourtant on a vécu, on a été
heureux par moments, malheu-
reux à d’autres, on a créé des
œuvres d’art, mis au point de
nouvelles techniques… Une civi-
lisation peut être passionnante
et brillante malgré le poids de
l’incertitude et de l’adversité. Il
faut le réapprendre parce qu’on
y est confrontés et qu’on n’a pas
le choix. g
Propos recueillis par
Marianne Enault
Christophe André, psychiatre
«Notre cerveau déteste l’incertitude»
« Ce monde peut
devenir plus
joyeux et plus
épanouissant»
« On n’écoute
plus les gens qui
ne pensent pas
comme nous»ltgalteletete
Avenir Espoir, crainte,
fragilités, rebonds...
Le médecin décrypte
nos ressources face à
la crise et notre attitude
concernant les vaccins
pc

Más contenido relacionado

Similar a Cerveau & Incertitudes

La résilience - Café Sciences 28 mai 2018, dossier complet
La résilience - Café Sciences 28 mai 2018, dossier completLa résilience - Café Sciences 28 mai 2018, dossier complet
La résilience - Café Sciences 28 mai 2018, dossier completCafé Sciences
 
Texte conference pour_le_chu_de_bordeaux_sur_approche_narrative_et_mucoviscidose
Texte conference pour_le_chu_de_bordeaux_sur_approche_narrative_et_mucoviscidoseTexte conference pour_le_chu_de_bordeaux_sur_approche_narrative_et_mucoviscidose
Texte conference pour_le_chu_de_bordeaux_sur_approche_narrative_et_mucoviscidoseLa Fabrique Narrative
 
Les familles à l'épreuve de la crise sanitaire
Les familles à l'épreuve de la crise sanitaireLes familles à l'épreuve de la crise sanitaire
Les familles à l'épreuve de la crise sanitaireHarris Interactive France
 
petit livre sur le deni grossesse
petit livre sur le deni grossessepetit livre sur le deni grossesse
petit livre sur le deni grossesseelanoita
 
Etre hepatant 03_2016
Etre hepatant 03_2016Etre hepatant 03_2016
Etre hepatant 03_2016soshepatites
 
Vue sur la sante mentale France 2017
Vue sur la sante mentale   France 2017Vue sur la sante mentale   France 2017
Vue sur la sante mentale France 2017TAGUWA
 
L'Équilibre... vers une identité de bonheur !
L'Équilibre... vers une identité de bonheur !L'Équilibre... vers une identité de bonheur !
L'Équilibre... vers une identité de bonheur !Jacques Noël
 
Selon l’article LA RELATION PATIENT-SOIGNANT est une relation d’aide psycho ...
Selon l’article LA RELATION PATIENT-SOIGNANT  est une relation d’aide psycho ...Selon l’article LA RELATION PATIENT-SOIGNANT  est une relation d’aide psycho ...
Selon l’article LA RELATION PATIENT-SOIGNANT est une relation d’aide psycho ...la maison
 
Ludicalm - Distraction Virtuelle en pédiatrie
Ludicalm - Distraction Virtuelle en pédiatrieLudicalm - Distraction Virtuelle en pédiatrie
Ludicalm - Distraction Virtuelle en pédiatrieSylvie Marie Brunet
 
Être hépatant 03
Être hépatant 03Être hépatant 03
Être hépatant 03soshepatites
 
Discours sur la santé de Macron en 2018
Discours sur la santé de Macron en 2018Discours sur la santé de Macron en 2018
Discours sur la santé de Macron en 2018Société Tripalio
 
Cours 1 Approche à la santé mentale
Cours 1 Approche à la santé mentaleCours 1 Approche à la santé mentale
Cours 1 Approche à la santé mentaleMichel Perrier
 
Les femmes et leur charge mentale, pour un laboratoire sur la migraine aigue
Les femmes et leur charge mentale, pour un laboratoire sur la migraine aigueLes femmes et leur charge mentale, pour un laboratoire sur la migraine aigue
Les femmes et leur charge mentale, pour un laboratoire sur la migraine aiguenous sommes vivants
 
Guide methodologique-raisonner-juste-en-alimentation
Guide methodologique-raisonner-juste-en-alimentationGuide methodologique-raisonner-juste-en-alimentation
Guide methodologique-raisonner-juste-en-alimentationMemphré en Mouvement
 
Kccanada16 168-llsc psychosociaux booklet-6x9_fr_single_page_final (1)
Kccanada16 168-llsc psychosociaux booklet-6x9_fr_single_page_final (1)Kccanada16 168-llsc psychosociaux booklet-6x9_fr_single_page_final (1)
Kccanada16 168-llsc psychosociaux booklet-6x9_fr_single_page_final (1)Patou Conrath
 
Argent comptant, argent content
Argent comptant, argent contentArgent comptant, argent content
Argent comptant, argent contentConstanceGl
 
Présentation microsoft power point dgc 02062015(3)
Présentation microsoft power point dgc 02062015(3)Présentation microsoft power point dgc 02062015(3)
Présentation microsoft power point dgc 02062015(3)soshepatites
 
Méditer en pleine conscience pour un vieillissement reussi
Méditer en pleine conscience pour un vieillissement reussiMéditer en pleine conscience pour un vieillissement reussi
Méditer en pleine conscience pour un vieillissement reussiSimon Groseil
 
Liste des ateliers conférences
Liste des ateliers conférencesListe des ateliers conférences
Liste des ateliers conférencesInstitutfrase
 

Similar a Cerveau & Incertitudes (20)

La résilience - Café Sciences 28 mai 2018, dossier complet
La résilience - Café Sciences 28 mai 2018, dossier completLa résilience - Café Sciences 28 mai 2018, dossier complet
La résilience - Café Sciences 28 mai 2018, dossier complet
 
Texte conference pour_le_chu_de_bordeaux_sur_approche_narrative_et_mucoviscidose
Texte conference pour_le_chu_de_bordeaux_sur_approche_narrative_et_mucoviscidoseTexte conference pour_le_chu_de_bordeaux_sur_approche_narrative_et_mucoviscidose
Texte conference pour_le_chu_de_bordeaux_sur_approche_narrative_et_mucoviscidose
 
Les familles à l'épreuve de la crise sanitaire
Les familles à l'épreuve de la crise sanitaireLes familles à l'épreuve de la crise sanitaire
Les familles à l'épreuve de la crise sanitaire
 
petit livre sur le deni grossesse
petit livre sur le deni grossessepetit livre sur le deni grossesse
petit livre sur le deni grossesse
 
Etre hepatant 03_2016
Etre hepatant 03_2016Etre hepatant 03_2016
Etre hepatant 03_2016
 
Vue sur la sante mentale France 2017
Vue sur la sante mentale   France 2017Vue sur la sante mentale   France 2017
Vue sur la sante mentale France 2017
 
L'Équilibre... vers une identité de bonheur !
L'Équilibre... vers une identité de bonheur !L'Équilibre... vers une identité de bonheur !
L'Équilibre... vers une identité de bonheur !
 
Selon l’article LA RELATION PATIENT-SOIGNANT est une relation d’aide psycho ...
Selon l’article LA RELATION PATIENT-SOIGNANT  est une relation d’aide psycho ...Selon l’article LA RELATION PATIENT-SOIGNANT  est une relation d’aide psycho ...
Selon l’article LA RELATION PATIENT-SOIGNANT est une relation d’aide psycho ...
 
Ludicalm - Distraction Virtuelle en pédiatrie
Ludicalm - Distraction Virtuelle en pédiatrieLudicalm - Distraction Virtuelle en pédiatrie
Ludicalm - Distraction Virtuelle en pédiatrie
 
Être hépatant 03
Être hépatant 03Être hépatant 03
Être hépatant 03
 
Discours sur la santé de Macron en 2018
Discours sur la santé de Macron en 2018Discours sur la santé de Macron en 2018
Discours sur la santé de Macron en 2018
 
Cours 1 Approche à la santé mentale
Cours 1 Approche à la santé mentaleCours 1 Approche à la santé mentale
Cours 1 Approche à la santé mentale
 
Moral des Francais
Moral des FrancaisMoral des Francais
Moral des Francais
 
Les femmes et leur charge mentale, pour un laboratoire sur la migraine aigue
Les femmes et leur charge mentale, pour un laboratoire sur la migraine aigueLes femmes et leur charge mentale, pour un laboratoire sur la migraine aigue
Les femmes et leur charge mentale, pour un laboratoire sur la migraine aigue
 
Guide methodologique-raisonner-juste-en-alimentation
Guide methodologique-raisonner-juste-en-alimentationGuide methodologique-raisonner-juste-en-alimentation
Guide methodologique-raisonner-juste-en-alimentation
 
Kccanada16 168-llsc psychosociaux booklet-6x9_fr_single_page_final (1)
Kccanada16 168-llsc psychosociaux booklet-6x9_fr_single_page_final (1)Kccanada16 168-llsc psychosociaux booklet-6x9_fr_single_page_final (1)
Kccanada16 168-llsc psychosociaux booklet-6x9_fr_single_page_final (1)
 
Argent comptant, argent content
Argent comptant, argent contentArgent comptant, argent content
Argent comptant, argent content
 
Présentation microsoft power point dgc 02062015(3)
Présentation microsoft power point dgc 02062015(3)Présentation microsoft power point dgc 02062015(3)
Présentation microsoft power point dgc 02062015(3)
 
Méditer en pleine conscience pour un vieillissement reussi
Méditer en pleine conscience pour un vieillissement reussiMéditer en pleine conscience pour un vieillissement reussi
Méditer en pleine conscience pour un vieillissement reussi
 
Liste des ateliers conférences
Liste des ateliers conférencesListe des ateliers conférences
Liste des ateliers conférences
 

Más de Miloé Santé

Entretenir Muscles et poumons
Entretenir Muscles et poumonsEntretenir Muscles et poumons
Entretenir Muscles et poumonsMiloé Santé
 
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la ReparationSante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la ReparationMiloé Santé
 
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la ReparationSante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la ReparationMiloé Santé
 
Montagne-nature & personnalite
Montagne-nature & personnaliteMontagne-nature & personnalite
Montagne-nature & personnaliteMiloé Santé
 
Complements alimentaires
Complements alimentairesComplements alimentaires
Complements alimentairesMiloé Santé
 
Cuisine-moi comme un robot
Cuisine-moi comme un robotCuisine-moi comme un robot
Cuisine-moi comme un robotMiloé Santé
 
Cancer-salaries-reintegration professionnelle
Cancer-salaries-reintegration professionnelleCancer-salaries-reintegration professionnelle
Cancer-salaries-reintegration professionnelleMiloé Santé
 
Cancer-salaries-reintegration professoinnelle
Cancer-salaries-reintegration professoinnelleCancer-salaries-reintegration professoinnelle
Cancer-salaries-reintegration professoinnelleMiloé Santé
 
Glaciers - Etre vivants
Glaciers - Etre vivantsGlaciers - Etre vivants
Glaciers - Etre vivantsMiloé Santé
 
Plastique - Dangers d'une pollution incontrolee
Plastique - Dangers d'une pollution incontroleePlastique - Dangers d'une pollution incontrolee
Plastique - Dangers d'une pollution incontroleeMiloé Santé
 
Fruits et Legumes BIO - Une note encore trop salee
Fruits et Legumes BIO - Une note encore trop saleeFruits et Legumes BIO - Une note encore trop salee
Fruits et Legumes BIO - Une note encore trop saleeMiloé Santé
 
Dark Kitchen - Foodtech
Dark Kitchen - FoodtechDark Kitchen - Foodtech
Dark Kitchen - FoodtechMiloé Santé
 
Nice-Projet alimentaire territorial
Nice-Projet alimentaire territorialNice-Projet alimentaire territorial
Nice-Projet alimentaire territorialMiloé Santé
 

Más de Miloé Santé (20)

Reves-Existence
Reves-ExistenceReves-Existence
Reves-Existence
 
Entretenir Muscles et poumons
Entretenir Muscles et poumonsEntretenir Muscles et poumons
Entretenir Muscles et poumons
 
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la ReparationSante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
 
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la ReparationSante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
Sante au Travail - Maladies professionnelles - De la Prevention a la Reparation
 
Montagne-nature & personnalite
Montagne-nature & personnaliteMontagne-nature & personnalite
Montagne-nature & personnalite
 
Complements alimentaires
Complements alimentairesComplements alimentaires
Complements alimentaires
 
Cuisine-moi comme un robot
Cuisine-moi comme un robotCuisine-moi comme un robot
Cuisine-moi comme un robot
 
Cancer-salaries-reintegration professionnelle
Cancer-salaries-reintegration professionnelleCancer-salaries-reintegration professionnelle
Cancer-salaries-reintegration professionnelle
 
Cancer-salaries-reintegration professoinnelle
Cancer-salaries-reintegration professoinnelleCancer-salaries-reintegration professoinnelle
Cancer-salaries-reintegration professoinnelle
 
Glaciers - Etre vivants
Glaciers - Etre vivantsGlaciers - Etre vivants
Glaciers - Etre vivants
 
JOP Paris 2024
 JOP Paris 2024 JOP Paris 2024
JOP Paris 2024
 
Seconde main
Seconde mainSeconde main
Seconde main
 
Clone autonome
Clone autonomeClone autonome
Clone autonome
 
Plastique - Dangers d'une pollution incontrolee
Plastique - Dangers d'une pollution incontroleePlastique - Dangers d'une pollution incontrolee
Plastique - Dangers d'une pollution incontrolee
 
The - Allie Sante
The - Allie SanteThe - Allie Sante
The - Allie Sante
 
Fruits et Legumes BIO - Une note encore trop salee
Fruits et Legumes BIO - Une note encore trop saleeFruits et Legumes BIO - Une note encore trop salee
Fruits et Legumes BIO - Une note encore trop salee
 
Rire-Bienfaits
 Rire-Bienfaits Rire-Bienfaits
Rire-Bienfaits
 
Dark Kitchen - Foodtech
Dark Kitchen - FoodtechDark Kitchen - Foodtech
Dark Kitchen - Foodtech
 
Generation Covid-19
Generation Covid-19Generation Covid-19
Generation Covid-19
 
Nice-Projet alimentaire territorial
Nice-Projet alimentaire territorialNice-Projet alimentaire territorial
Nice-Projet alimentaire territorial
 

Cerveau & Incertitudes

  • 1. le journal du dimanche dimanche 3 janvier 2021 S’il y avait une leçon à tirer de la crise sanitaire, ce serait « le retour au réel ». C’est en tout cas l’analyse du psychiatre Christophe André, expert des troubles émotionnels, anxieux et dépressifs. « Il faut ouvrir les yeux, balayer nos illu- sionsdelongévité,degarantied’une sécurité matérielle qui nous avait rendusenpartieégoïstes,exigeants, capricieux, espère le médecin, spé- cialiste de la méditation. Le réel se rappelle à nous et peut-être que ça va nous rendre plus solidaires. » Est-on mieux préparés à vivre 2021, car il n’y a plus l’effet de surprise ? Mieuxpréparés,jenesaispas,mais mieuxprévenus,oui !Iln’yapasde surprise : le virus est là, il y aura de nouvelles vagues et de nouveaux virus à l’avenir. On est mieux pré- parés à se protéger du virus. Mais est-onpourautantmieuxpréparés à vivre et à s’épanouir dans un tel climat ? La réponse est mitigée. Danslasociété,ilyaurasansdoute un clivage de plus en plus grand entre les résignés et les indignés. Ceux qui acceptent et ceux qui n’acceptent pas ? En psychologie, l’acceptation est une démarche active dans laquelle on reconnaît le réel. On ne se dit pas « c’est bien » mais « c’est là », et on décide de composer avec le réel.Onn’estnidansledéninidans l’indignation.L’acceptationestune démarchequinouspoussenonpas àrenonceràl’action,maisàchoisir uneactionéconomiquepouréviter les gesticulations liées à la colère ou à la peur. Accepter, ce n’est pas subir sans rien dire, mais mettre son énergie dans l’adaptation à ce qui est là, puis dans le combat. Quel est l’effet psychologique de ces confinements à répétition ? La répétition des adversités et des épreuves aboutit à deux grandes conséquences : soit une habitua- tion, soit une allergie. On le voit dans les pays en guerre, les gens peuvent finir par s’habituer aux situations les plus violentes et développer une sorte de savoir- faire de survie ; mais on peut aussi s’allergiser, devenir intolérant aux difficultés. Pour certains, la répétition des confinements est vécueavecfatalisme,maisd’autres, qui n’ont pas les ressources pour s’adapter, se sentent trop sollicités et ça peut les conduire à un effon- drement psychologique. Quelles sont nos ressources pour y faire face ? Il y a les ressources intérieures et extérieures. Cette pandémie donne un avantage psychologique auxgensquiontunevieintérieure riche,auxintrovertis,auximagina- tifs,auxprofessionsintellectuelles, pluséquipéespourrééquilibrerleur mental ;etundésavantageauxper- sonnes qui puisent leur équilibre principalement dans les actions et lesinteractions.Pourelles,l’action – travailler, cuisiner, jardiner, cou- rir, bricoler – est un anxiolytique. Orlesconfinementsmodifientnos capacités d’action et nous privent de toutes ces petites rencontres au fil de l’eau. Pour certains, c’est un grand facteur de déséquilibre. Quant aux ressources extérieures, c’estparexempleavoirunemaison, unjardinoudesamisdel’autrecôté delarue.Cettecriserévèledescli- vages, des lignes de fracture entre lesdifférentsprofilsdepopulation. La crise a-t-elle créé un clivage entre les jeunes et les vieux ? Entre les âgés qui ne veulent pas mourir et les jeunes qui veulent vivre, nos gouvernants ont fait le choix de protéger les âgés et de sacrifier les jeunes. Chez les 15-30 ans, la fréquence des symptômes de nature anxieuse et dépressive a doublé. Ce choix sanitaire va générer des dégâts sociologiques et économiques énormes, et doit pousser notre pays à s’interroger sur les pro- chaines pandémies. Est-il vrai- ment sage de sacrifier l’avenir des jeunes pour faire gagner quelques années de vie aux plus âgés (dont je suis) ? La question mérite d’être posée et on ne peut pas laisser les médecins seuls face à ce dilemme. Je crois que ça doit être l’occasion d’un vrai débat politique, car l’une des vertus de cette crise est qu’elle est une répétition générale pour la prochaine pandémie. Pourquoi les jeunes sont-ils les plus pénalisés ? C’est toute une génération qui ne peut pas faire son apprentissage correctement. C’est aussi toute une tranche d’âge en construc- tion sociale : c’est à cet âge qu’on se nourrit du contact avec les autres, qu’on découvre qui on est en ayant des aventures amicales ou sentimentales, en trouvant sa voie dans la vraie vie et pas sur les écrans. C’est toute une génération à qui l’on injecte une forte dose d’angoisse de l’avenir. Et, enfin, ils ont quand même le sentiment de payer l’addition, et la plus cor- sée, pour les autres. On ne pourra pas recommencer à les esquinter comme ça à la prochaine crise. La crise révèle-t-elle le meilleur et le pire des individus et de la société ? C’estunphénomèneclassiquedans toutes les crises. Ce qui augmente dans un premier temps, c’est la ­rigidité,laméfiance,lereplisursoi, lelienavecdesgensànotreimage. On s’accroche à ses certitudes. On appauvrit sa vision du monde en ne lisant que des informations qui nousconviennent.Onn’écouteplus lesgensquinepensentpascomme nous.Lemouvementquidoitsuivre estunmouvementderéouverture, de reprise des interactions et des actions dans un environnement modifié. On doit réapprendre à fonctionner différemment, à faire le tri parmi nos peurs. Comment peut-on apprendre à faire face à l’incertitude ? C’est difficile, car notre cerveau, comme celui de la plupart des mammifères, déteste l’incertitude. On n’a pas de centre cérébral de l’incertitude que l’on pourrait activer face à une situation floue. On n’est pas capables de se dire « tu ne sais pas, attends d’avoir plus d’informations pour décider et agir ». À la place, on préfère se raconter des histoires. Mais il est très rare d’entendre des gens qui disent : je ne sais pas. S’il faut pour les scientifiques et les politiques retenir deux leçons de cette crise, c’est : un, reconnaître qu’on ne sait pas et, deux, ne jamais mentir. Le mensonge, sur les masques, par exemple, est une catastrophe à longtermequifaitflambertousles discours de méfiance par rapport à toute forme de parole officielle. Est-ce que ça aboutit, in fine, au scepticisme sur le vaccin, plus fort en France qu’ailleurs ? Ce scepticisme est le fruit de phé- nomènes compliqués. L’explica- tion optimiste est de penser qu’on identifie, au fond, le vaccin à une médecine dont on ne veut plus : une médecine de la maladie, des organes, une médecine techni- cienne ; alors qu’on veut aller vers unemédecinedelasanté,delaper- sonne, de la prévention. Il y a un aspect légitime dans la méfiance si elle est le fruit de la prudence, de l’exigence, de la transparence. Mais, à la fin, la raison doit tran- cher : et c’est pour ça que je pense que la majorité des citoyens (dont moi) se feront vacciner, une fois l’efficacité et l’innocuité avérées. Comment avancer ? Il faut ouvrir les yeux sur le réel, balayer nos illusions de longé- vité, de garantie d’une sécurité matérielle qui nous avait rendus enpartieégoïstes,exigeants,capri- cieux. Le problème d’une société matérialisteestqu’ellenousdonne l’illusion qu’on peut se passer de l’aide des autres, qu’on peut s’en sortir tout seuls avec sa famille, qu’on est forts en tant qu’individu. Mais quand une crise survient on s’aperçoit qu’on est plus mal tout seuls que si on est soutenus par des proches, des voisins, des collè- gues. La vertu de toute crise est ce rappel au réel et à l’évidence : nous sommes fragiles, trop nombreux, tropremuants,troppolluants.Ilva falloirqu’onmodifietoutçapourle mieux. Si on arrive à changer nos façons de fonctionner, ce monde peut devenir plus joyeux et plus épanouissant. Faut-il finalement accepter nos fragilités ? Les gens ne se rendent pas compte qu’on a vécu un demi-siècle de royaume enchanté dans lequel les progrès étaient linéaires : paix, démocratie, confort, santé… On avait la certitude que nos enfants vivraient dans un monde meilleur, que tout était prévisible et maî- trisable. Les progrès de la méde- cine nous garantissaient de vivre centenaires et en bonne santé. On avait des certitudes illusoires qui étaienttrèsagréables,sécurisantes, très confortables mais aussi très mensongères ! On ­revient à une situation normale : la vie humaine, c’est une dose minimale d’adver- sité, de souffrance, d’incertitude. Peut-on s’y faire ? Oui, je crois. Les civilisations qui nous ont précédés, l’Antiquité, le Moyen Âge, en sont la preuve. On savait que la vie était fragile et pourtant on a vécu, on a été heureux par moments, malheu- reux à d’autres, on a créé des œuvres d’art, mis au point de nouvelles techniques… Une civi- lisation peut être passionnante et brillante malgré le poids de l’incertitude et de l’adversité. Il faut le réapprendre parce qu’on y est confrontés et qu’on n’a pas le choix. g Propos recueillis par Marianne Enault Christophe André, psychiatre «Notre cerveau déteste l’incertitude» « Ce monde peut devenir plus joyeux et plus épanouissant» « On n’écoute plus les gens qui ne pensent pas comme nous»ltgalteletete Avenir Espoir, crainte, fragilités, rebonds... Le médecin décrypte nos ressources face à la crise et notre attitude concernant les vaccins pc